Prestations sociales : Le système français trop complexe et inégalitaire ?

ARGENT Une trentaine d’allocations permettent de soutenir les Français, mais la complexité de ces dispositifs aboutit à bon nombre d’inégalités et de renoncements

J.P. pour 20 Minutes
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Paper family in hands on wooden background with euro banknotes
Paper family in hands on wooden background with euro banknotes — iStock / City Presse

En 2019, près de 120 milliards d'euros ont été redistribués au travers des politiques sociales en France. Mais tout n'est pas parfait, loin de là ; c'est ce qui ressortait d'une étude publiée en novembre 2021 par le Conseil d'État, missionné par le Premier ministre, pour dresser un constat et proposer des solutions d'amélioration.

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RSA, aides au logement, prestation d'accueil du jeune enfant, allocations pour adulte handicapé… Au total, une trentaine d'allocations nationales bénéficient aux Français, en fonction de leurs ressources. À ces enveloppes, il faut encore ajouter les mécanismes de tarification sociale dédiés aux publics les plus précaires (par exemple pour la cantine ou les transports), sans oublier les dispositifs facultatifs d'aides des collectivités territoriales qui représentent près de 2 milliards d'euros annuels. En définitive, les prestations gérées par les Caisses d'allocations familiales (CAF) couvrent près de la moitié de la population française, tandis que les minima sociaux en ciblent 10 %.

Bémol : du fait de règles d'attribution variables et trop complexes dépourvues de toute vision d'ensemble, notre système redistributif génère de nombreuses inégalités qui pénalisent avant tout les publics les plus fragiles. En effet, comme le soulignait le Conseil d'État, il existe « quatre grandes familles de bases de ressources, elles-mêmes caractérisées par une grande diversité interne ». D'un dispositif à l'autre, les revenus des demandeurs ne sont donc pas pris en compte de la même façon, ce qui engendre « des renoncements aux droits ou des erreurs de bonne foi du côté des bénéficiaires ».

Le décalage avec la réalité

À cette multitude de bases de calcul s'ajoutent certaines aberrations notables. La plus haute juridiction administrative soulignait par exemple, qu'à l'heure actuelle, le RSA et la prime d'activité dépendent du « revenu net perçu » des demandeurs. Or, cette notion n'est définie par aucun texte ayant une valeur juridique mais seulement par le guide de la Cnaf (Caisse nationale d'allocations familiales). Pire, « ce revenu ne correspond à aucune ligne du bulletin de salaire ». Conséquence logique : « 60 % des déclarations faites pour la prime d'activité seraient erronées, souvent de manière défavorable aux bénéficiaires », selon le Conseil d'État.

Autre incohérence, les revenus du patrimoine qui ne produisent pas de revenus sont évalués à travers un forfait unique de 3 % par an pour bon nombre de prestations, un taux de rendement qu'ils sont pourtant loin d'atteindre dans la réalité. De même, la « petite épargne » – comprenez les comptes bancaires et livrets réglementés – est prise en compte dès le premier euro dans les ressources des bénéficiaires, alors qu'elle constitue bien souvent un filet de sécurité essentiel.
Quant aux indépendants, ils pâtissent parfois du décalage entre leur situation réelle et antérieure puisque c'est le chiffre d'affaires de l'avant-dernière année précédant la demande de prestation qui compte pour le calcul de leurs droits.

Vers une simplification ?

Inéquitables, illisibles, incomprises et inappliquées, les règles d'attribution des prestations sociales ont donc besoin d'être réformées. C'est dans cet objectif que le Conseil d'État a publié 15 propositions visant à simplifier, harmoniser et rendre plus accessibles les aides sociales. En tout premier lieu, l'objectif est d'en finir avec la multiplication des bases de ressources pour n'en conserver que deux : une base harmonisée pour l'ensemble des prestations relevant des familles, du RSA, de l'ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées) et de l'aide sociale légale ; ainsi qu'une base de ressources fiscales maintenue pour les soutiens attribués à partir de la feuille d'impôt.

Entre autres suggestions, notons également la prise en compte du « net à payer avant impôt » en remplacement du « revenu net perçu », de la réduction du taux de 3 % pour les revenus du patrimoine pour l'aligner à celui du livret A (0,50 %), de l'utilisation de la dernière année du chiffre d'affaires connue pour les indépendants ou encore de l'exclusion des aides modiques des proches des bases de ressources du RSA et de la prime d'activité.