Le secteur de la formation victime d'un démarchage sauvage

VIE PRATIQUE Appels incessants, SMS fallacieux et e-mails promettant un cursus en contrepartie de vos coordonnées… Voilà près de deux ans qu’un démarchage massif gangrène le secteur de la formation

Julie Polizzi pour 20 Minutes
Les particuliers sont souvent impuissants face au démarchage sauvage qui sévit dans le secteur de la formation.
Les particuliers sont souvent impuissants face au démarchage sauvage qui sévit dans le secteur de la formation. — iStock / City Presse

Après le secteur de la rénovation énergétique, c’est au tour de celui de la formation d’être la cible de démarchage abusif. Sévissant par e-mails, SMS et téléphone, les centres d’appels harcèlent les Français depuis près de deux ans pour les convaincre d’utiliser leurs droits en réalisant une formation, quitte à user de tromperie

Pris de court

Le contexte actuel est propice à ces dérives, puisque la mise en place du portail internet Moncompteformation.gouv.fr, et de l’application mobile associée, a donné une grande visibilité au secteur en novembre 2019. Un coup de projecteur renforcé par la conversion des heures acquises en euros à la même époque. D’après la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), sur quelque 18 millions de comptes personnels de formation (CPF) activés, 9,5 millions l’ont ainsi été depuis cette date charnière.

Un engouement d’autant plus grand que les confinements et le chômage partiel ont conduit à une explosion des demandes en 2020. Or, dans le même temps, les travailleurs avaient jusqu’au 31 décembre 2020 pour transférer sur leur CPF les heures non utilisées au titre du droit individuel à la formation (le DIF) afin de ne pas les perdre, avant que l’échéance ne soit reportée en juillet 2021. Résultat : « le démarchage est devenu encore plus intense à l’automne 2020, puis au printemps 2021, en raison de l’expiration des droits du DIF », explique la DGEFP.

De la tromperie à l’arnaque

Problème : cette recherche de clients donne lieu à des pratiques illégales. Rappelons que toute personne ayant inscrit son téléphone sur la liste d’opposition Bloctel doit en principe être épargnée, même si cela se révèle en pratique souvent inefficace. De plus, les démarcheurs n’hésitent pas à mentir aux particuliers. Beaucoup ont ainsi argué à tort qu’il fallait utiliser les droits du DIF sous peine de les perdre.

Pire, certains ont « soutiré leurs informations personnelles à des travailleurs afin d’usurper leur identité en les inscrivant à leur insu à des formations pour pouvoir toucher leur financement », confirme la DGEFP. Au printemps 2021, la Caisse des dépôts, gestionnaire du dispositif du CPF, avait déjà déposé près d’une trentaine de plaintes après avoir estimé qu’au moins 10.000 comptes avaient été floués de la sorte pour un montant total estimé entre 10 et 12 millions d’euros. Tous les droits ont été recrédités.

Prendre son mal en patience

Prises de court, les autorités ont mis en place des mesures de régulation à partir de janvier 2021. La Caisse des dépôts surveille ainsi de façon accrue la maîtrise des sous-traitants par les organismes de formation afin de sanctionner toute tromperie et pratique illicite dans le démarchage réalisé. En parallèle, une démarche de qualité a été amorcée avec le renforcement des conditions de certification des acteurs et l’évaluation des cursus par les participants depuis cet été. « Au fil de l’eau, les conditions d’utilisation du CPF sont de plus en plus encadrées et sécurisées », dixit la DGEFP.

Côté recours, porter plainte doit bien entendu être votre premier réflexe en cas d’escroquerie. En complément, vous pouvez consulter la marche à suivre proposée sur le site officiel du CPF ou saisir la Répression des fraudes grâce au portail Signal.conso.gouv.fr. Les plateformes Internet-signalement.gouv.fr et Signal-spam.fr sont, elles, réservées aux tentatives d’arnaques en ligne. En revanche, pour les appels quotidiens des démarcheurs, la seule solution est hélas de raccrocher et de bloquer le numéro… en espérant que la pratique soit prochainement interdite par la loi.

Protéger ses données

Lorsque l’on reçoit chaque jour des coups de fil de démarcheurs, on se demande forcément comment ils ont obtenu notre numéro. La DGEFP l’affirme : la fuite ne provient pas du portail du CPF, qui ne divulgue aucune coordonnée et applique scrupuleusement le Règlement général sur la protection des données (RGPD). En revanche, « on a constaté que des organismes de formation avaient transmis leur catalogue clients à l’insu de ces derniers à des centres d’appels pour organiser leur démarchage, même si c’est interdit par le RGPD ». Et une fois les numéros révélés, ils échappent à tout contrôle.

L’autre technique consiste à envoyer des SMS et e-mails demandant leurs coordonnées aux particuliers afin de pouvoir ensuite les revendre à d’autres centres d’appels… Supprimez donc systématiquement ces spams et ne transmettez jamais la moindre information personnelle. Si vous souhaitez profiter de vos droits pour réaliser une formation, la seule démarche sûre est de se rendre sur le portail Moncompteformation.gouv.fr, ou d’utiliser l’application mobile dédiée, pour effectuer votre recherche et transmettre votre demande. Depuis novembre 2019, plus de 2,7 millions de dossiers ont été acceptés pour un prix moyen de 1.300 euros.