Coronavirus : La crise sanitaire pèse lourdement sur les comptes de la SNCF

TRANSPORTS Le groupe public a publié jeudi une perte nette de 2,4 milliards d’euros, contre un modeste bénéfice net de 20 millions sur les six premiers mois de 2019

20 Minutes avec AFP
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Illustration de la SNCF.
Illustration de la SNCF. — AFP

La SNCF a subi une lourde perte au premier semestre. Le groupe public a publié jeudi une perte nette de 2,4 milliards d’euros, contre un modeste bénéfice net de 20 millions sur les six premiers mois de 2019. Touchée successivement par la grève contre la réforme des retraites et la crise du coronavirus, l’entreprise joue aux équilibristes entre incertitudes et « reconquête » des passagers en attendant une aide de l’Etat.

« Avant la grève, le groupe SNCF avait relativement sécurisé ses fondamentaux », avec une meilleure performance opérationnelle et « une nette amélioration » de ses finances, a rappelé à l’AFP le directeur financier Laurent Trévisani. Mais la grève en décembre et janvier lui a fait perdre 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, avant que le coronavirus ne mette quasiment ses TGV à l’arrêt au printemps.

Baisse de la fréquentation

Le chiffre d’affaires de la SNCF a reculé de 21 % à 14,1 milliards d’euros au premier semestre. Le manque à gagner dû à la fin de la grève en janvier est presque négligeable (275 millions) par rapport au trou creusé par la crise sanitaire (3,9 milliards). Si Geodis (logistique) a résisté avec un chiffre d’affaires en très légère progression de 0,3 %, les autres composantes du groupe public ont vu fondre leurs revenus : -37 % pour SNCF Voyageurs (TGV, TER et banlieue parisienne), -12 % pour Keolis (transports publics), -20 % pour le fret et -20 % pour SNCF Réseau.

La grève, la crise sanitaire et le confinement ont fait baisser la fréquentation de 50 % dans les TER par rapport au premier semestre 2019, et de 55 % dans les TGV dont la SNCF tire habituellement ses bénéfices. Seul février a connu une tendance positive. La « marge opérationnelle » – un indicateur prisé par la SNCF, proche de l’excédent brut d’exploitation (Ebitda) - a été divisée par 21 en un an, à 136 millions d’euros.

Pour limiter les dégâts, la direction a lancé un « plan d’action exceptionnel et volontariste » pour dégager 1,8 milliard d’euros d’économies sur l’année (dont 1,1 milliard sur le premier semestre). Ce plan comprend notamment des mesures pour réduire les coûts – « sans toucher à l’effectif de production » –, de même que le report ou l’abandon de certains projets.

« Reconquête »

Le groupe a ainsi renoncé à environ 10 % des 5 milliards d’investissements qu’il devait autofinancer cette année, ne gardant « que les investissements qui sont strictement indispensables et correspondants à (ses) priorités stratégiques », selon Laurent Trévisani. La SNCF a néanmoins été obligée de « brûler du cash à hauteur de 2,8 milliards » d’euros sur le semestre. D’où un alourdissement de la dette, qui a augmenté de 3 milliards d’euros à 38,3 milliards au 30 juin. L’Etat en avait tout juste repris 25 milliards au 1er janvier.

« A ce jour, la trésorerie du groupe est solide et ses capacités de financement sont préservées », a insisté la direction. « Nous ne sommes pas sortis de la crise », a rappelé le directeur financier. Il faut toujours « gérer l’incertitude », ce qui rend tout pronostic hasardeux pour les mois qui viennent, a-t-il indiqué. La SNCF va donc continuer à serrer les boulons, être « très sélective » sur les investissements et dorloter sa trésorerie, « sans que ce soit au détriment de tout ce qui est essentiel, urgent et indispensable à l’exploitation ferroviaire ».

Pour l’heure, la fréquentation est toujours d’environ 20 % inférieure à la normale. La SNCF a lancé un « plan d’action commerciale » avec des petits prix « pour faire revenir le loisir dans le TGV », de même qu’elle s’est associée aux régions pour promouvoir les TER. « La reconquête du "pro" (les voyageurs d’affaires, ndlr) va être une de nos cibles à la rentrée » avec en particulier des offres pour les voyages occasionnels – pour ceux qui prennent moins le train à cause du télétravail –, a poursuivi Laurent Trévisani. « Actuellement, nos TGV ne sont pas suffisamment remplis », a-t-il regretté.

La SNCF va également s’intéresser au fret ferroviaire, dans le cadre du plan de soutien que prépare le gouvernement. Le ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari a récemment annoncé que la SNCF serait aidée « à hauteur de plusieurs milliards d’euros » par l’Etat. « Plusieurs options sont sur la table : la recapitalisation du groupe ou la reprise d’une part complémentaire de la dette, par exemple », a-t-il dit.