Déconfinement : Nettoyage régulier, paiement sans contact, « îlot » par client… Comment les commerces de proximité vont-ils s’organiser ?
CORONAVIRUS Les commerces pourront rouvrir le 11 mai, mais devront se plier à des protocoles sanitaires
- Presque deux mois après le décret du 16 mars, les commerces « non-essentiels » vont pouvoir rouvrir leur porte le 11 mai prochain.
- Gel hydroalcoolique, masques, gants, distanciation sociale et gestes barrières seront de mises dans tous les magasins.
- Certains métiers, comme les coiffeurs ou les vendeurs de vêtements, devront appliquer des mesures spécifiques.
A partir du 11 mai, premier jour du déconfinement, les commerces de proximité – à l’exception des cafés, bars et restaurants – pourront rouvrir leurs portes. Les organisations professionnelles travaillent depuis plusieurs jours, avec les ministères du Travail, de l’Economie, de la Santé et de l’Intérieur, pour mettre en place des protocoles sanitaires par branche.
En attendant la validation de ces « fiches-métiers », les commerçants anticipent et préparent leur personnel et le matériel nécessaire pour pouvoir recevoir les clients dans des environnements sécurisés.
Quelques règles de base
« La fin du confinement ne signifie pas la fin de l’épidémie », tient à rappeler Francis Palombi, président des Commerçants de France, la confédération nationale des indépendants. S’il souligne ce qui peut paraître évident, c’est pour prévenir les futurs clients : « Nous ne pourrons pas vivre le commerce comme avant la crise. »
Francis Palombi explique que les protocoles sanitaires seront adaptés aux différents métiers, mais des règles communes existent déjà. Il les énumère : « Les gestes barrières devront être appliqués, pas question de serrer la main des clients. La distanciation sociale devra être respectée, ce qui implique de limiter le nombre de personnes à l’intérieur. Et les commerces devront tous se munir de gel hydroalcoolique, de gants et de masques pour leur personnel. S’ils en ont pour les clients, c’est un plus. » Edouard Philippe, dans son allocution devant l’Assemblée mardi, a d’ailleurs affirmé que les commerçants pourront refuser l’entrée aux clients dépourvus de masque.
On touche avec les yeux
En plus de ces règles de base, la plupart des commerçants préparent leurs propres aménagements de sécurité. « Nous ne pourrons pas laisser les clients manipuler les œuvres à leur guise comme d’habitude, raconte Louison Brolles, directrice adjointe de la librairie Classiques Garnier, à Paris. Nos livres ont un pelliculage particulier, c’est très difficile à désinfecter. » Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française, abonde : « Il faut d’abord que les clients se désinfectent les mains en entrant, mais dans une librairie qui compte des milliers d’œuvres, on ne peut pas tout désinfecter. Le mieux est de demander au vendeur avant de toucher. »
Pour le reste du magasin, Guillaume Husson préconise d’augmenter le rythme des ménages : « Là où l’on nettoyait tous les trois jours, il faudra le faire tous les jours. » Pour ce qui est du contact entre les clients et le personnel, la distance doit être respectée, jusqu’au moment du paiement. Pour prévenir un contact trop proche, Louison Brolles préfère ajouter une sécurité : « Nous allons commander un hygiaphone en plexiglas, pour mettre une barrière supplémentaire. »
Du sans-contact et des marquages au sol
L’étape du paiement, Florent Moreau, président de la Fédération française des artisans fleuristes , y a songé également : « L’écran translucide est une solution, mais on ne sait pas si tout le monde pourra s’en procurer. Alors nous conseillons d’utiliser des comptoirs profonds, d’un mètre ou plus, et à défaut, de faire un marquage au sol pour signifier la bonne distance. » Il conseille également d’éviter de manipuler les espèces, faute de solution pour s’assurer que le virus n’y est pas déposé : « Chez le fleuriste, nous avons déjà 80 % de paiements par carte, nous inciterons encore à utiliser le sans-contact. » Considéré comme un geste barrière, le sans-contact verra d’ailleurs son plafond augmenter de 30 à 50 euros dès le 11 mai, a annoncé le ministère de l’Economie. Pour ajouter une couche de protection, notre lecteur François, gérant d’une cave, a une solution : « Nous avons recouvert nos TPE (Terminal de paiement électronique) de film étirable, nettoyé à chaque passage. »
Inventif, François explique qu’il laissera toutes les portes ouvertes pour éviter de toucher les poignées et il a réorganisé son magasin par îlots, avec des marquages au sol : « Trois personnes au maximum à l’intérieur, et un seul client par zone, comme ça, il y a toujours au moins deux mètres de distance. »
Des cas spécifiques
Sandrine Lacotte-Garcin, présidente de la Fédération des détaillants en chaussures et gérante de trois magasins, ne peut pas toujours se permettre cette distance : « Nous limiterons le nombre d’entrées, mais les gens viennent souvent à deux pour se conseiller. » Le personnel est souvent en contact avec les clients dans ces magasins. Surtout dans ceux de Sandrine Lacotte-Garcin, spécialisés pour les seniors : « Ils ne peuvent pas toujours se baisser, il faut les chausser. »
Pour protéger ses employés, la gérante a commandé des masques, mais aussi des visières et des gants jetables, qui seront obligatoires : « Et nous mettrons un film plastique sur les sièges. » Si elle veut encourager les clients à sélectionner au mieux pour essayer le moins possible, elle a tout de même une solution pour nettoyer les chaussures : « Nous utiliserons des machines à vapeur haute température pour désinfecter. » Même pratique, mais encore plus drastique, pour les retours en magasin : ils seront mis dans des sacs identifiables et laissés 24 heures dans la remise avant d’être désinfectés.
Patricia*, qui tient un magasin de lingerie, a choisi de refuser les retours pour éviter les risques de contamination. Elle a également fait le choix de la vapeur pour les vêtements essayés mais non achetés : « Ils y passeront entre chaque cliente. » Francis Palombi, des Commerçants de France, ajoute que pour les magasins de vêtements, des dispositions spéciales pour le nettoyage des vêtements et cabines devront être prises, sans pouvoir encore préciser en quoi elles consistent.
Fini les magazines au salon de coiffure
« Tout se passera bien si tout le monde respecte les consignes », nous écrit David, gérant d’un salon de coiffure. S’il est un type de commerce qui est particulièrement exposé à la contamination, c’est bien celui-ci. « On ne va pas couper les cheveux en restant à un mètre », plaisante Christophe Doré, coiffeur et vice-président de l’Union nationale des entreprises de coiffure. Si le métier demande une grande proximité, le coiffeur veut rassurer ses futurs clients : « Nous avons préparé un protocole très précis pour chaque détail en salon. » Il assure que tous les professionnels porteront des masques, et préconise le port de la visière, notamment pour les barbiers. « Tous les instruments seront désinfectés au spray à chaque utilisation, les textiles seront à usage unique et seront lavés à température suffisante pour éliminer tout ce qui pourrait s’y accrocher. » Les petits plus seront ainsi éliminés : « Nous ne proposerons plus de café, de magazines et encore moins la bise. Même à mes clientes depuis plus de vingt ans ! »
Si le nombre de personnes sera limité dans les salons, Christophe Doré précise qu’il faudra adapter l’accueil aux types de clients : « Si c’est un enfant, bien sûr qu’un parent pourra rentrer avec, mais un seul ! Et si c’est un adolescent, les parents devront attendre dehors. » Enfin, face à l’afflux de cheveux longs qui vont déferler à la sortie du confinement, les professionnels de la coiffure devraient adapter leurs amplitudes horaires : « Chacun est libre, mais il est possible de faire une équipe du matin et une du soir pour recevoir un maximum de monde, et ainsi faire travailler toutes les équipes. » Et d’ajouter tout sourire : « Et ce ne sera pas de trop, on va devoir rattraper ce que les gens se sont infligé. »
* Le prénom a été modifié