Coronavirus : La restauration table sur une réouverture, même partielle, « avant juillet » pour sauver la saison touristique

REPRISE Cette relance envisagée ne pourrait pas se faire à 100 % de la capacité des établissements

Mickaël Bosredon
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Illustration serveur dans un restaurant à Bordeaux. Photo : Sebastien Ortola
Illustration serveur dans un restaurant à Bordeaux. Photo : Sebastien Ortola — S. ORTOLA / 20 MINUTES
  • Une partie des professionnels plaide pour une réouverture des cafés et restaurants avant le 1er juillet, pour sauver leur saison.
  • Il est quasiment certain qu’ils ne pourront pas rouvrir dans un premier temps à 100 % de leur capacité.
  • Ils réclament aussi un plan de relance d'urgence, notamment pour les 30 à 40 % de professionnels menacés de disparition dans les prochains mois.

Rouvrir le plus vite possible, mais pas dans la précipitation. C’est un peu le mot d’ordre des 240.000 cafés et restaurants de France, qui ne sont à ce jour pas autorisés à relancer leurs établissements le 11 mai, date du démarrage progressif du déconfinement en France.

Les restaurateurs travaillent d’arrache-pied pour faire passer leurs revendications, qui portent notamment sur une réouverture partielle avant juillet pour sauver la saison touristique, accompagnée d’un plan de relance pour sauver les 30 à 40 % de professionnels directement menacés par une cessation d’activité dans les prochains mois. C’est ainsi que le chef bordelais Philippe Etchebest est récemment monté au créneau pour prendre la défense de la profession. Avec Marc Vanhove, le patron de la chaîne Bistro Régent qui compte plus de 130 établissements en France, ils sont membres du Collectif des restaurateurs du sud-ouest, un groupe de réflexion de cinq professionnels, régulièrement en relation avec le ministère de l’Economie pour tenter d’établir un protocole. L’Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) a également proposé un plan de sauvegarde et de relance.

« La crise continue de me coûter 25.000 euros par mois »

Joint ce mardi par 20 Minutes, le bordelais Marc Vanhove assure que « l’on essaye de faire le maximum pour sauver les 40 % de professionnels de la restauration qui ont un genou à terre en France, et qui n’arriveront pas à attendre deux ou trois mois la réouverture des établissements. » Pour cela, « nous prônons pour un fond qui permette de débloquer environ 15 % du chiffre d’affaires de chaque entreprise, pour couvrir les frais fixes, car on continue d’avoir entre 15 et 20 % de dépenses, même quand on est fermé. » Le groupe de restaurateurs a soumis une piste à Bruno Le Maire : la prise en charge des pertes d’exploitation des restaurateurs un tiers par l’Etat, un tiers par les assurances, un tiers par les propriétaires.

Car la priorité est bien de « sauver les entreprises sous perfusion » insiste philipe Etchebest, dans un entretien à l'AFP. Il milite pour que « l’Etat prenne très rapidement des dispositions pour que les assurances puissent trouver des fonds et aider les entreprises, et que les banques prennent leur part à l’effort ». 

Contacté par 20 Minutes, le restaurateur bordelais Jean-Philippe Martinot, s'il n'est pas en danger, se retrouve tout de même en difficulté. Avec une quinzaine de salariés et environ 1,5 million d’euros HT de chiffre d’affaires, son restaurant Le Café Gourmand fait partie des établissements dits « moyens. » « Je ne bénéficie pas des mesures de report de charge et de loyer, car c’est destiné aux entreprises de moins d’un million d’euros de chiffre d’affaires, donc je ne rentre pas dans les cases. Pourtant, la crise continue de me coûter 25.000 euros par mois, dont 10.000 euros de loyer mensuel. Heureusement, j’avais 60.000-70.000 euros d’avance de trésorerie, mais tout a fondu comme neige au soleil. Pour continuer, soit je puisais dans mes fonds propres, soit je me rendettais avec le crédit garanti par l’Etat. Comme nous n’avions plus de crédit c’est cette dernière option que j'ai choisie. »

En Gironde, 31 % des cafés et restaurants craignent une fermeture dans les six mois

Ce restaurateur bordelais reconnaît que, malgré cette situation, il fait encore partie des privilégiés. « Mon affaire est pérenne depuis douze ans, j’ai le soutien de ma banque… Mais je ne sais pas comment vont s’en sortir ceux qui ont encore un crédit en cours, ceux qui venaient de démarrer leur affaire… J’ai des retours de confrères pour qui c’est très compliqué, et je pense effectivement que pour un bon tiers de la profession, il existe une réelle menace de disparition. »

La CCI de la Gironde a mené une enquête sur les professionnels du secteur CHR (Café-Hôtellerie-Restauration) de son territoire, où il ressort effectivement que 31 % d’entre eux craignent une fermeture dans les six mois à venir. Dans un communiqué daté du 20 avril, l’Umih formule plusieurs propositions pour sauver les professionnels du secteur, comme l’exemption de paiement des charges sociales du 15 mars au 31 décembre, l’exemption des taxes et impôts pour l’année 2020, la prolongation des mesures d’activité partielle jusqu’au 15 mars 2021, l’annulation des loyers pour six mois à compter du 15 mars, ou encore le rehaussement rétroactif des seuils d’éligibilité au fonds de solidarité jusqu’aux entreprises réalisant 5 millions d’euros de chiffre d’affaires HT.

Etaler les reports de charge, et baisser temporairement la TVA

Président de la CCI de Bordeaux-Gironde, Patrick Seguin estime que les mesures de report de charges prises par le gouvernement sont « bonnes » mais que « cela ne suffit pas. » « La situation pour certains nous inquiète vraiment, d’autant plus que la tendance se durcit ces derniers jours, explqiue-t-il à 20 Minutes. Il y a des gens qui baissent les bras, surtout quand c’est uniquement le couple qui est à la manœuvre. Ces entreprises familiales tournent, quand tout va bien, avec deux mois de trésorerie… La trésorerie est le cœur du problème, et il faudra se poser la question de la recapitalisation des entreprises, sans doute en faisant en sorte que les plus gros aident les plus petits, par exemple à travers des prises de participation, même temporaires. »

Pour Jean-Philippe Martinot, l’enjeu pour ces prochains mois repose sur les reports de charge : « il faudra les payer, sinon le système s’écroule, mais si on peut les étaler sur 12 ou 24 mois, cela aura plus de sens que s’il faut les rembourser dans les deux ou trois mois. » Il préconise aussi une baisse temporaire de la TVA, « histoire de nous redonner un ballon d’oxygène. »

Les restaurants pourront rouvrir « avec un tiers ou 50 % en moins de places assises »

Il reste aussi à régler, au plus vite, la question de la réouverture des cafés et restaurants. « On veut rouvrir, mais il ne faut pas se précipiter non plus, car le virus circule toujours » prévient Marc Vanhove. « Il va falloir mettre en œuvre des gestes barrière, avec des process sanitaires compliqués, qui ne pourront pas s’adapter à tout le monde. Cela va prendre du temps, c’est pourquoi on ne pourra pas rouvrir avant le 1er juin, c’est certain, mais on espère avant le 1er juillet pour sauver la saison. » Le patron du Bistro Régent pense que les restaurants pourront rouvrir « avec un tiers ou 50 % en moins de places assises, selon les établissements. On ne pourra pas faire du 100 %, c’est certain » reconnaissant que « des petits vont se retrouver très pénalisés. »

« Faire reprendre ces établissements avec des salles pleines, c’est évidemment impensable » reconnaît également Patrick Seguin. « Mais plusieurs professionnels proposent des aménagements, et certains ont suggéré lundi soir au cours d’une réunion avec Bruno Le Maire de diviser par deux le nombre de couverts dans les salles, avec de la distanciation et si nécessaire avec des plaques de plexiglas entre les tables. »

« La question de rouvrir partiellement est très délicate, s’interroge de son côté Jean-Philippe Martinot. Ouvrir à 30 % une machine comme la nôtre, alors qu’en temps normal je fais 200 couverts par jour avec une quinzaine de personnes, c’est compliqué. Comment je fais ? Je prends cinq salariés et je laisse les autres sur le carreau ? On a envie d’ouvrir, mais dans de bonnes conditions. »