Succession : Qu’est-ce que la réserve héréditaire, et quels droits garantit-elle ?

ARGENT Pilier du droit des successions français, la réserve héréditaire a connu un assouplissement en 2007

Julie Polizzi pour 20 Minutes
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En France, on ne peut pas déshériter ses enfants, à moins qu'ils donnent leur accord express.
En France, on ne peut pas déshériter ses enfants, à moins qu'ils donnent leur accord express. — iStock / City Presse

Manne financière colossale, les héritages représentent chaque année quelque 250 milliards d’euros transmis entre les générations hexagonales. À qui vont ces sommes et dans quelles proportions ? C’est une législation très stricte qui tient les comptes.

Un ordre successoral établi

Alors que les Anglo-saxons peuvent décider librement du devenir de la totalité de leur patrimoine après leur décès, le droit français applique une politique familiale beaucoup plus protectrice ? puisqu’elle donne une priorité absolue aux enfants du défunt et à l’époux survivant. Ces personnes sont en effet considérées comme des héritiers réservataires.

En tant que tel, la législation leur attribue une partie importante des biens de la personne décédée, qui varie en fonction de la situation du foyer. Dans un cas de figure classique, un descendant unique a ainsi droit à 50 % de la succession, tandis que la quote-part s’élève à deux tiers des biens en présence de deux enfants et à trois quarts au-delà de trois enfants. Lorsque le défunt était marié, son conjoint survivant a le choix entre l'usufruit sur la totalité de la succession (dans ce cas, les enfants n’ont que la nue-propriété) ou un quart en pleine propriété.

Une liberté d’action limitée

Tout ce qui n’est pas réservé par la loi correspond à ce qu’on appelle la quotité disponible. Il n’y a donc que cette partie-là qui peut être librement léguée à d’autres personnes ou à des associations. Pour ce faire, il est possible de signifier son souhait dans un testament en bonne et due forme ou consentir des donations aux bénéficiaires du choix de son vivant.

Au jour du décès, le notaire va en effet faire l’inventaire de l’ensemble du patrimoine, en prenant en compte toutes les donations déjà consenties, ainsi que les biens mentionnés dans le testament. Seules les primes versées sur une assurance-vie destinée à un tiers identifié sont exclues du calcul. Or, si les choix financiers excèdent la quotité disponible et rognent par conséquent sur la fameuse réserve héréditaire, les héritiers lésés seront en droit d’exercer une action en réduction, autrement dit de demander un remboursement des sommes aux personnes concernées. C’est ce qu’ont fait David Hallyday et Laura Smet après avoir été déshérités par testament par leur père au profit de Laeticia Hallyday.

Un renoncement volontaire

Si cette réserve héréditaire est un droit fondamental, une réforme a toutefois assoupli la législation en créant le pacte de famille en 2007. Il s’agit d’un acte notarié par lequel un héritier peut renoncer, par avance, à tout ou partie de l’héritage qui lui est dévolu par la loi.

Prenons l’exemple d’un couple souhaitant faire une donation de son vivant au profit de ses enfants. Mais parmi eux, l’un est aisé et préfère que ses propres enfants en bénéficient. Autre hypothèse : un particulier compte léguer une grosse somme d’argent à une association dans son testament. En signant le pacte de famille, les héritiers renoncent, dans les deux cas, à intenter une action en réduction au moment de la succession. Cet acte, lourd de conséquence, doit être signé par le donateur et l’héritier, forcément majeur, en précisant ce à quoi il renonce exactement. Pour faire bon poids, deux notaires doivent aussi apposer leur signature. À noter que le renonçant peut obtenir la révocation du pacte de famille en justice pour des motifs graves, s’il s’est retrouvé dans le dénuement à cause de ce choix, si son parent n’a pas rempli ses obligations alimentaires envers lui ou si le bénéficiaire de la donation a commis un délit ou un crime contre lui.