Baromètre des territoires (4/7): Comment Les Herbiers affichent le taux de chômage le plus bas de France

REPORTAGE Le Baromètre des territoires réalisé pour l’association Villes de France fait apparaître un clivage entre les grandes métropoles, qui seraient les « chouchous » des politiques publiques, et les petites villes. Pourtant ces dernières ont aussi des atouts. Exemple aux Herbiers en Vendée

D.Phelippeau avec J.Urbach
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La société Ouvrard cherche des plombiers, des électriciens etc. mais galère pour pourvoir les postes.
La société Ouvrard cherche des plombiers, des électriciens etc. mais galère pour pourvoir les postes. — D.P. / 20 minutes

« J’avoue que mes confrères me regardent avec de la sympathie et un peu de jalousie… » Laurent Soullard, directeur de l’agence Pôle emploi des Herbiers, développe avec fierté le petit miracle économique du bassin du nord-est de la Vendée. Cette commune de 16.500 habitants à mi-chemin entre Nantes et Angers, popularisée l’an passé par le parcours en coupe de France de son club de football, détient le record du taux de chômage le plus bas. En septembre 2018 (dernier relevé de l’INSEE), il s’élevait à 4,5 %, contre 9 % au niveau national.

 

Des fleurons de l’industrie, comme Jeanneau (bateaux de plaisance de luxe), K-Line (fenêtres en alu), La Boulangère (viennoiserie), et des dizaines de PME florissantes sont installés sur son territoire. Un dynamisme à contre-courant de la plupart des villes moyennes qui, elles, souffrent de la concurrence des métropoles, comme le révèle le premier Baromètre des territoires réalisé pour l'association Villes de France.

Extrait du baromètre des territoires pour l'association Villes de France.
Extrait du baromètre des territoires pour l'association Villes de France. - Villes de France

« Les Vendéens se sont toujours débrouillés tout seuls »

Véronique Besse, la maire MPF des Herbiers, avance une explication historique. « Les Vendéens, et surtout ceux du bocage, se sont toujours battus et se sont toujours débrouillés tout seuls. Quelle que soit la taille de l’entreprise, son chef n’attend rien de Paris ou du gouvernement, il est même méfiant. » Bon nombre de sociétés passent ainsi de père en fils. « Et si ça ne reste pas dans la famille, c’est un cadre qui la reprend… », explique Eric Grignon, président de l’association Les Herbiers entreprises, laquelle regroupe 136 sociétés. Ici, aucun fonds d’investissement étranger n’a pris le pouvoir. « 95 % des sièges sociaux sont en Vendée », se réjouit la maire.

« Il y a une vraie capacité des élus à accompagner le développement de l’industrie, insiste Laurent Soullard. Avec notamment le désenclavement routier et l’arrivée de la fibre optique, vitale pour les entreprises. » La ville a aussi créé un lotissement (La Pépinière, 50 logements peu onéreux) pour permettre aux jeunes de vivre à proximité de leur travail. Un autre projet de lotissement, où les entreprises pourront elles-mêmes réserver des habitations pour leurs futurs salariés, est également à l’étude.

« Un respect mutuel et très peu de conflits sociaux »

« L’entraide entre les entreprises » sur ce territoire n’est par ailleurs pas une vue de l’esprit, selon Eric Grignon. « Même concurrentes, elles vont se donner des coups de main… » Emulation, solidarité et cohésion sociale. « Chefs d’entreprise et salariés sont très enracinés, c’est une vraie force pour le développement économique, poursuit Véronique Besse. Ce sont des gens qui ont été sur les mêmes bancs de l’école, qui se côtoient le week-end, il y a un respect mutuel et très peu de conflits sociaux. Ici, on n’envoie pas des lettres recommandées ou des mails, on se parle, ça avance plus vite. »

Une salariée de l'usine K-Line, aux Herbiers.
Une salariée de l'usine K-Line, aux Herbiers. - F.Perry/AFP

Résultat : les offres d’emploi pullulent. En mars dernier, au salon de l’emploi local, 1.000 postes étaient à pourvoir. « Pas tous en CDI », précise le responsable de Pôle emploi. Encore aujourd’hui quelques centaines d’emplois sont encore disponibles. Car c’est la rançon du succès, les entreprises peinent à trouver des candidats à certains postes. « Beaucoup de sociétés ont des progressions à deux chiffres chaque année, reconnaît Eric Grignon, responsable de Le Roy Logistique dont le chiffre d’affaires est passé de 20 à 31 millions d’euros en six ans. Mais, on manque de personnel, ce qui peut freiner certains ou amener à refuser du business. »

« Ici, aux Herbiers, c’est le candidat qui a le choix »

« Il y a un souci de compétences pour certaines offres comme plombiers, électriciens etc. », avoue une chargée du recrutement d’une société herbretaise. C’est le monde à l’envers aux Herbiers : « C’est le candidat qui a le choix, note Laurent Soullard. Plus le taux de chômage est bas, moins il y a de demandeurs inscrits et disponibles et moins il y a de compétences disponibles. » On comprend mieux pourquoi la commune regroupe 17 enseignes d’intérim, sans aucun doute un record national dans une ville de cette taille.

Les salaires prétendus faibles peuvent-ils expliquer tous ces emplois non pourvus ? Elus et acteurs économiques herbretais se défendent en invoquant « une qualité de vie pas chère », « des 13e ou 14e mois dans certaines sociétés », « des grosses primes d’intéressements ou des primes dans d’autres ». « Il faut vraiment avoir conscience qu’on vit dans un environnement privilégié », conclut le responsable du Pôle emploi.