Familles monoparentales: «Il est temps de bousculer les choses, de revoir les barèmes, les calculs afin de nous venir en aide»

VOUS TEMOIGNEZ Des pères et mères vivants seuls avec leurs enfants nous confient leurs difficultés, notamment financières…

Nicolas Raffin
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Illustration d'une famille monoparentale.
Illustration d'une famille monoparentale. — NICOLAS MESSYASZ/SIPA
  • Le nombre de familles monoparentales a augmenté de 77 % en 20 ans en France, à près de 1,7 million de familles en 2010.
  • Cette situation est associée à de plus grands risques de précarité et d’exclusion professionnelle et sociale.
  • Les internautes témoignent de leur quotidien sur « 20 Minutes ».

Elles ont été particulièrement mises en lumière lors des manifestations de « gilets jaunes » ou pendant les interviews sur les ronds-points : les familles monoparentales sont l’une des facettes de la France qui souffre. Selon la dernière enquête de l’Observatoire des inégalités, ces familles, majoritairement des femmes, ont également été « fortement impactées » par la pauvreté ces dernières années. Elles représentent près « d’un quart de la population pauvre », une proportion très supérieure à la part de ces familles dans la population, et 19 % vivent sous le seuil de pauvreté.

Ce n’est pas un hasard si Emmanuel Macron, au moment de son allocution du 10 décembre, a évoqué la colère « de la mère de famille célibataire, veuve ou divorcée, qui ne vit même plus, qui n’a pas les moyens de faire garder les enfants et d’améliorer ses fins de mois ». Malgré l’annonce d’une hausse de la prime d’activité qui concernera en partie les familles monoparentales, les témoignages reçus par 20 Minutes montrent qu’il reste encore beaucoup à faire.

« Je souhaiterais me dire que je ne bosse pas pour rien »

« Je suis mère célibataire depuis plus de dix ans, mon fils a 17 ans, il est lycéen, explique Sophie. Les injustices sont énormes. Lorsque toutes mes charges sont prélevées, il me reste moins de 300 euros pour finir le mois, faire les courses, l’essence, l’argent de poche de mon ado, l’abonnement de sa carte de bus… ».

Selon elle, de nombreuses prestations devraient être revues pour mieux coller à la réalité des familles : « Je n’ai pas droit à la Cmu ou à la Cmu-c, donc il faut une mutuelle, soit 75 euros par mois. Aucune bourse scolaire pour mon fils, je dépasse là encore les plafonds avec mon salaire de 1.550 euros par mois. Il est temps de bousculer les choses, de revoir les barèmes, les calculs afin de nous venir en aide. Je souhaiterais me dire que je ne bosse pas pour rien ».

« Le plus compliqué reste l’organisation et la gestion au quotidien, abonde Guillaume, qui vit avec ses enfants. Il est bien difficile de trouver un logement convenable pour une famille de quatre personnes avec un seul salaire. J’ai la chance de ne pas habiter en région parisienne par exemple, ou dans une autre grande ville ».

« Nous sommes bien conscients d’être chaque jour dans la survie »

Pour d’autres, c’est le manque de flexibilité des structures qui pose problème. « Mon fils a six ans, il ne peut donc pas rentrer ou partir seul à l’école, nous raconte Cyndie. Comme mes horaires de travail sont très élargis, j’ai dû prendre une nounou au "black" car il n’y avait plus de place en périscolaire. J’en suis même venue à me demander si je n’allais pas arrêter de travailler pour pouvoir l’amener à l’école, mais même cette solution nous mettrait trop en difficulté ».

« Nous sommes bien conscients d’être chaque jour dans la survie malgré le fait de travailler à temps plein, ajoute Sybille, qui se bat pour payer les études de son fils qu’elle a élevé seule. D’ailleurs, les employeurs s’en servent pour ne pas vous faire évoluer professionnellement car ils savent bien que vous êtres accrochés à votre boulot ».

Au milieu de ces témoignages, la parole de Dominique tranche un peu. « Je pense que trop de femmes culpabilisent d’être seules, écrit-elle, et pour cette raison, cèdent trop souvent à tous les caprices de leurs enfants. Ce n’est pas leur rendre service. Après mon divorce, je n’ai demandé d’aide à personne. Mes enfants ont suivi des études, ont réussi, et ne sont pas devenus des délinquants. Les familles monoparentales ne doivent pas être vues comme des victimes ». Selon une étude de l’Insee publiée en 2017, les femmes passent en moyenne 6,1 ans à la tête d’une famille monoparentale, les hommes 4,1 ans.