Histoire de congés: Découvrez le billet populaire de congé annuel qui permet de payer le train moins cher
SERIE (2/4) A l'été 1936, la France généralise enfin les congés payés. Pour permettre aux ouvriers de prendre le train à prix réduit, le billet populaire de congé annuel est lancé. Vous ne le savez peut-être pas, mais vous pouvez toujours en bénéficier...
- 20 Minutes, en partenariat avec Retronews, propose une série d’articles sur les premiers congés payés.
- Aujourd’hui, retour sur le lancement du billet de congé annuel.
- Un dispositif qui existe toujours mais qui ne fait pas l’objet d’une grande publicité.
20 Minutes, en partenariat avec Retronews, le site de presse de la Bibliothèque nationale de France, propose une série d’articles sur les premiers congés payés. Aujourd’hui, focus sur une réduction sur les billets de train que vous êtes certainement en droit de demander.
Il fête son 82e anniversaire et pourtant vous n’en avez peut-être jamais entendu parler. « Il », c’est le « billet populaire de congé annuel ». Mis en place le 1er août 1936, dans le sillage de la loi sur les congés payés votée six semaines plus tôt, il permettait, rapporte Le Populaire, « à tout titulaire d’un congé payé, qu’il voyage seul ou accompagné de sa femme d’obtenir en 3e classe un titre de transport d’un parcours minimum de 200 kilomètres avec réduction de 40 % et demi-tarif pour les enfants de 3 à 7 ans. »
Le Populaire précise d’ailleurs un peu plus tard, dans son édition du 8 août 1936, les détails de ce billet qui est « délivré aux indigènes comme aux Français, dans les colonies et les protectorats, ainsi que dans les départements d’outre-mer ».
Permettre « que la loi sur les congés payés s’applique vraiment »
« La création de ce billet de congé annuel va permettre d’accéder aux vacances à une époque où la voiture est réservée aux riches. C’est le train ou rien. C’est une mesure qui marche très bien même si les gens ne partent pas forcément très loin. Ce dispositif permet que la loi sur les congés payés s’applique vraiment. Les gens peuvent ainsi en profiter », explique Marion Fontaine, maître de conférences à l’Université d’Avignon.
Au même moment, d’autres initiatives sont lancées pour se déplacer sous l’impulsion de Léo Lagrange, sous-secrétaire d’Etat de l’organisation des loisirs et des sports. Le Populaire souligne que de nombreux trains spéciaux emmèneront les voyageurs de toutes catégories dans les directions les plus diverses à des conditions particulièrement avantageuses telles que celles-ci (aller et retour) : Paris-Côte Basque : 150 francs, départ le 8 août et le 5 septembre… » A cela s’ajoutent des croisières négociées via l’Union nationale des agences de voyages, mais aussi des séjours d’une semaine tout inclus du Havre vers la Côte d’Azur à partir de 205 francs.
Mais c’est bien le billet de congé annuel qui va drainer le plus de voyageurs. 70.000 personnes se pressent ainsi gare Montparnasse entre le 31 juillet et le 1er août contre 59.000 l’année précédente. La Dépêche du Berry explique ainsi que « plus de 300.000 personnes ont bénéficié du billet populaire en août et que les statistiques de septembre paraissent devoir être également favorables. »
Un engouement réel
Ce billet populaire bénéficie d’un réel engouement (600.000 personnes en 1936 et 1,8 million en 1937) et la SNCF en fait la promotion comme cette publicité pour passer ses vacances dans le Poitou qui s’affiche en bas de page du Petit Journal du 25 août 1939.
Rien de tel aujourd’hui. Si le billet de congé annuel existe toujours, on ne peut vraiment pas dire qu’il fasse l’objet d’une intense promotion, déplore Jean Lenoir, vice-président de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports : « Il ne faut pas s’étonner que ce genre de billets disparaisse progressivement vu la complexité pour l’obtenir ».
Des démarches fastidieuses
Voici les démarches à effectuer selon le site service-public.
- Remplir le formulaire de demande (disponible dans tout point de vente SNCF) et l’adresser directement dans une gare SNCF au moins 24 heures avant le départ,
- Joindre tout document permettant de justifier son droit au bénéfice du billet (certificat de l’employeur attestant la nature de l’emploi et l’octroi d’un congé payé, par exemple),
- Si le titre de personne comprend plusieurs personnes, joindre les pièces prouvant la parenté du bénéficiaire avec les autres personnes figurant sur le titre de transport.
Des conditions fastidieuses pour certains à l’image de David qui a décidé de s’en passer après avoir profité à plusieurs reprises de ce billet. « A l’heure de la dématérialisation, c’est un processus old school, explique ce sémillant quadragénaire.
Armé de cette paperasse, vous pourrez obtenir une réduction, une fois par an, de 25 % sur votre aller-retour d’au moins 200 kilomètres, voire 50 % si la moitié du prix des billets est réglée avec des chèques vacances. Encore faut-il bénéficier de ces derniers.
Au final, ce billet est ouvert notamment aux salariés (résidant en France ou à l’étranger), aux agents de la fonction publique, aux demandeurs d’emploi, aux retraités… La réduction s’étend au conjoint et aux enfants de moins de 21 ans, voire au père et/ou mère (si le titulaire du billet est célibataire, et que ses parents habitent chez lui).
Vers une disparition des billets de congés annuels ?
Reste qu’aujourd’hui, il est difficile de savoir combien de trajets sont effectués chaque année via ce dispositif. Quand on l’interroge pour obtenir des détails sur le sujet, la SNCF nous renvoie, sans plus de précision, vers la page de présentation du billet de congés annuels. Dans un article de Libération publié en 2016, le chiffre de « 500.000 personnes bénéficiant d’un aller-retour compris, ayant droit compris » est précisé.
Mais au fait, combien coûte ce dispositif ? Ce billet de congé annuel fait partie des huit tarifs sociaux (90 % du trafic lié à ces tarifs viennent de trois tarifications dont les billets familles nombreuses et ces billets populaires), décidés par l’Etat et destinés à favoriser « certaines catégories sociales au transport ferroviaire », selon le rapport du projet de loi de finances 2018. A ce titre, Bercy a budgété seulement 20,4 millions d’euros pour compenser le manque à gagner de ces mesures pour la SNCF, contre 25,7 millions l'année précédente.
Dans ce contexte, peut-on imaginer à terme la disparition de tarifs sociaux comme le billet de congé annuel ? « Tous les tarifs sociaux ont du sens au regard de la mission de service public qu’exerce la SNCF », estime Jean Lenoir. « La suppression du dispositif me semble politiquement trop risquée. C’est une question de symbole. Cela reviendrait à toucher aux congés payés. Le coût politique serait bien supérieur au coût financier de la mesure », avertit Marion Fontaine.