Robot collaboratif, tablette... A quoi va ressembler l'usine du futur pour les ouvriers?

REPORTAGE Une « usine-pilote » implantée en Ile-de-France redéfinit la place de l’homme et des machines…

Nicolas Raffin
La chaîne de "production" de scooters de l'usine test du BCG
La chaîne de "production" de scooters de l'usine test du BCG — Nicolas Raffin/20 Minutes
  • Une usine «pilote» permet d'appréhender le futur proche dans les entreprises
  • Les robots travaillent au contact des ouvriers
  • L'humain conserve un pouvoir de décision et de management

Le bâtiment, discrètement implanté dans la zone industrielle de Villebon-sur-Yvette (Essonne), ressemble à une entreprise classique. Mais une fois à l’intérieur, le « centre d’innovation » lancé en octobre dernier par le Boston Consulting Group (BCG) révèle sa vraie nature. Moundir Rachidi, chargé du projet au BCG, le présente comme une « usine pilote ».

Derrière les murs, deux petites chaînes tests de production - aucun produit n’est vendu à l’extérieur - ont été installées : d’un côté on fabrique des scooters (qui sont montés et démontés perpétuellement), de l’autre des bonbons. La grande différence par rapport à une usine classique, c’est l’utilisation méthodique de robots « intelligents » et des données informatiques sur les deux lignes. « Le centre permet d’étudier le rôle de l’humain au sein du site industriel de demain » poursuit Moundir Rachidi. Depuis son ouverture, le site a déjà reçu plus de 1.000 visites, dont beaucoup de la part d’industriels.

Les robots sortent des cages

Dans le pôle de fabrication de scooters, les robots, contrairement à beaucoup de sites industriels, ne sont plus enfermés derrière des grilles. Un robot collaboratif, ou « cobot » (photo ci-dessous), s’occupe par exemple de prendre la roue arrière du scooter dans un bac pour la placer sur le cadre du deux-roues. Cela évite à l’ouvrier une manipulation répétitive et fatigante.

Le robot, baptisé Shrek, évite à l'opérateur de porter la roue du scooter.
Le robot, baptisé Shrek, évite à l'opérateur de porter la roue du scooter. - Nicolas Raffin/20 Minutes

Concernant les risques liés à la proximité de l’humain avec la machine, Régis Pageon, le directeur du site, se veut rassurant : « Le robot est programmé pour s’arrêter au moindre contact » explique-t-il. Moundir Rachidi renchérit : « La machine est clairement au service de l’opérateur ».

Contrôle par tablette

Autre particularité de l’usine-pilote du BCG : des tablettes numériques sont présentes à chaque étape de fabrication. Elles servent par exemple à vérifier la conformité des pièces. Pour cela, le scooter à contrôler est placé face à la tablette. Un logiciel recrée alors l’engin sur l’écran (cf photo) et indique à l’opérateur quelles pièces doivent être vérifiées.

L'écran affiche les parties du scooter à vérifier.
L'écran affiche les parties du scooter à vérifier. - Nicolas Raffin/20 Minutes

Une innovation importante pour Régis Pageon : « L’opérateur ne peut plus se tromper dans les tâches qu’il doit faire. Si jamais il a un doute sur une pièce, il peut la prendre en photo avec la tablette et le manager pourra lui donner en direct la marche à suivre ». Une façon de gagner du temps et donc d’avoir une cadence de production plus rapide.

Un ouvrier du futur ?

Toutes ces innovations vont-elles changer la place des opérateurs dans l’usine de demain ? « L’ouvrier ne sera pas chassé de l’usine » affirme Vincent Charlet, directeur de la Fabrique de l’industrie, un think-tank qui s’est penché sur la question. Le spécialiste nuance néanmoins : « Les compétences des opérateurs devront évoluer parce que les appareils sont de plus en plus sophistiqués ».

En revanche, pas question d’accuser les robots de dégrader le travail. « Les transformations peuvent être positives comme négatives, poursuit Vincent Charlet. Ce qui est en cause, ce sont les choix d’organisation ou de management. Par exemple, les travailleurs peuvent être asservis, surveillés par les machines 24h sur 24. Ou alors, on décide que c’est l’homme qui pilote le robot tout en le déchargeant de travaux pénibles ». Manière de dire que - pour l’instant - l’humain garde encore la main sur l’impact de la technologie.