Et maintenant, votre employeur doit vous garantir des temps de déconnexion
TRAVAIL Le 1er janvier entre en vigueur un nouveau droit, celui de la déconnexion, prévu par la loi dite El Khomri…
Une nouvelle année commence et avec elle, un nouveau droit fait son apparition : celui de la déconnexion. A partir du 1er janvier, votre employeur est tenu de vous offrir la possibilité de couper temporairement avec les outils numériques vous reliant à votre activité professionnelle. Plus précisément, il doit ouvrir des négociations sur ce sujet. 20 Minutes fait le tour de la question en cinq points.
Qu’est-ce que le droit à la déconnexion ?
Si la loi El Khomri insère dans le Code du travail ce nouveau droit – et c’est une première mondiale –, « elle ne lui donne aucune définition », précise Me Anne-Laure Périès, associée du cabinet Capstan Avocats. L’idée est toutefois claire : l’entreprise doit désormais garantir à ses salariés des plages de déconnexion d’avec les outils numériques, étant donné que ces derniers rendent de plus en plus poreuse la frontière entre le monde professionnel et le monde personnel. Ce nouveau droit cible notamment les salariés au forfait jour ou en télétravail. Mais pas seulement, puisqu’à l’heure actuelle, un actif sur trois affirme utiliser les outils numériques professionnels en dehors de son temps de travail, selon une étude publiée le 24 octobre dernier par le cabinet Eléas.
A quelle(s) obligation(s) est tenu mon employeur ?
D’abord à celle d’ouvrir une négociation sur cette question de la déconnexion. Celle-ci doit se tenir « dans le cadre de la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », précise Anne-Laure Périès. Cette négociation devra notamment porter sur la « mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques » (article 55 de la loi Travail). La négociation doit aboutir dans l’année. En cas d’échec, l’employeur est tenu d’établir une charte sur ce droit à la déconnexion. Dans tous les cas, le personnel d’encadrement devra être formé à cette problématique – « les managers devant être les premiers à être sensibilisés », assure Anne-Laure Périès.
Toutes les entreprises sont-elles concernées ?
Seules les entreprises de plus de 50 salariés sont tenues d’ouvrir une négociation et, en cas d’échec, de rédiger une charte. Cependant, la loi impose à tous les employeurs, y compris ceux des TPE et des petites PME, de prévoir des modalités de déconnexion pour leurs cadres. Si ce droit n’est pas garanti, le cadre peut dénoncer le forfait jour/heure auquel il est soumis et donc « exiger le paiement de toutes les heures supplémentaires », insiste Anne-Laure Périès. Pour cette juriste, l’entreprise, quelle que soit sa taille, a même intérêt à réfléchir à cette question du droit à la déconnexion pour tous ses salariés.
Mais concrètement, qu’est-ce qui change ?
Bien sûr, le Code du travail prévoit déjà des temps de repos et de congés. La jurisprudence l’a rappelé à plusieurs reprises : un travailleur n’est pas tenu de répondre à une sollicitation professionnelle en dehors de son temps de travail. Par ailleurs, l’employeur a l’obligation d’assurer la sécurité du salarié et de prévenir sa santé. L’introduction de ce nouveau droit à la déconnexion ne sert-elle donc à rien ? Anne-Laure Périès ne le pense pas : « Si cette évolution est certes plus symbolique que pragmatique, elle inscrit tout de même le droit à la déconnexion dans la loi et impose de mettre le sujet sur la table ». Et surtout, d’y apporter des solutions concrètes. « Des entreprises ont déjà mis en place des systèmes, comme Areva, qui interdit les envois de courriels en dehors des heures habituelles de travail sauf exception ou urgence, Volkswagen, qui bloque les serveurs le soir et le week-end ou encore Daimler, qui efface les courriels reçus pendant les congés en prévenant l’expéditeur… Sans aller jusque-là, l’entreprise peut prévoir l’affichage d’une fenêtre pop-up qui demandera à l’expéditeur s’il est vraiment sûr de vouloir envoyer son courriel, au vu de l’heure tardive par exemple », souligne Anne-Laure Périès. L’avocate insiste : « Au-delà de ces dispositifs, l’entreprise doit également réfléchir à la charge de travail, à la gestion des absences, etc. C’est tout le travail qui doit être interrogé ».
Et si mon employeur ne fait rien, que se passe-t-il ?
La loi Travail ne prévoit aucune sanction. Mais attention : comme nous l’avons déjà dit, les cadres pourront contester leur forfait jour/heure si les modalités d’exercice de leur droit à la déconnexion ne sont pas établies. De même, « faute de mise en place d’un accord ou d’une charte sur le droit de déconnexion, l’employeur s’expose à des risques accrus de contentieux. Le salarié pourra notamment s’en servir pour faire reconnaître des risques psychosociaux, un burn-out, voire du harcèlement moral. Ce nouveau droit se traduit donc en pratique par une véritable obligation pour l’employeur », prévient Me Anne-Laure Périès.