Impôts : Le patron du fisc répond à cinq questions clefs sur le prélèvement à la source
FISCALITE Bruno Parent, le directeur général des finances publiques (DGFiP), s’est expliqué ce mercredi devant des sénateurs sur la réforme à venir du prélèvement à la source…
La France doit-elle basculer dans le système du prélèvement à la source de l’ sur le revenu ? Avant de voter pour ou contre cette réforme, les parlementaires siégeant à la ont souhaité recevoir ce mercredi Bruno Parent, le directeur général des finances publiques (DGFiP), pour lui poser quelques (ou plutôt des dizaines) de questions. Après avoir (patiemment) écouté cette audition (de presque deux heures), 20 Minutes a retenu les cinq principales interrogations des élus. Et vous donne donc les réponses du patron du fisc.
Le citoyen pourra-t-il encore demander un aménagement du paiement de ses impôts ?
Oui, assure Bruno Parent. Cette demande devra être adressée à l’administration fiscale. Si elle l’accepte, l’aménagement portera sur l’impôt restant à acquitter. Autrement dit, aucun remboursement des montants déjà prélevés ne sera effectué. Soit qu’à l’heure actuelle.
Ceci dit, Bruno Parent estime que le prélèvement à la source devrait considérablement limiter les demandes de remises ou de modérations gracieuses. Tout simplement parce qu’il n’y aura « plus de décalage entre le moment où le contribuable perçoit des revenus et le moment où il doit s’acquitter de l’impôt correspondant à ces revenus ». Le patron de la DGFiP affirme qu’à l’heure actuelle, la majorité des demandes d’aménagement provient « des personnes qui ont perdu leur emploi ou qui ont pris leur retraite ».
Pourquoi ce sont les entreprises qui devront collecter l’impôt et pas l’administration fiscale ?
Tout simplement parce que l’administration fiscale n’a techniquement pas la capacité de prélever en temps réel l’impôt sur le revenu. Elle aurait pu, au mieux, « collecter l’impôt correspondant aux revenus d’un mois donné deux mois après leur versement », explique Bruno Parent. En outre, ce scénario aurait quand même demandé un effort aux employeurs et aux caisses de pension, puisque ces dernières auraient dû transmettre, chaque mois, le montant des salaires et des pensions versées le mois précédent.
Cela explique pourquoi, toujours selon la DGFiP, la totalité des pays qui pratiquent le prélèvement à la source – soit à l’exception de la Suisse et de la France – ne collectent pas directement l’impôt sur le revenu mais demandent à leurs entreprises et leurs caisses de pension de jouer ce rôle d’intermédiaire entre les contribuables et l’administration fiscale.
Cette réforme sera-t-elle vraiment une « horreur » pour les entreprises comme le disent les organisations patronales ?
Bruno Parent semble en douter : « Les plus petites entreprises ont généralement recours à un prestataire pour leur paie, qui est le plus souvent un éditeur de logiciels. Or, ceux que nous rencontrons ne semblent pas vouloir facturer la modification qu’implique cette retenue à la source compte tenu de son caractère mineur. En outre, les éditeurs intègrent très régulièrement les évolutions réglementaires et ils les prennent habituellement en charge ».
Concernant les qui disposent de leur propre système de paie, « elles sont déjà forcément », comprenez la déclaration sociale nominative, qui a automatisé la transmission des déclarations sociales à partir des données de paie. « La DSN, c’est 283 lignes à remplir. Le prélèvement à la source en ajoutera deux. Et l’administration fiscale fournira aux collecteurs les taux à intégrer. Ce n’est pas le cas aux Etats-Unis ou en Allemagne, où c’est à l’employeur de calculer le taux de chaque salarié ! », insiste Bruno Parent.
Cette réforme permettra-t-elle de réaliser des économies, notamment de personnel ?
« Les ministres l’ont dit très clairement : le but de ce projet n’est pas de diminuer les charges de l’administration fiscale, mais d’améliorer les services rendus au contribuable », répond Bruno Parent. Il estime que pendant une première phase – non datée – cette réforme entraînera au contraire , notamment dans « le nécessaire accompagnement des usagers et des collecteurs ». Puis que l’activité « reviendra dans un régime de croisière », avec des économies alors possibles, mais « modestes ».
Le directeur rappelle que le recouvrement de l’impôt sur le revenu des particuliers – soit le champ concerné par le prélèvement à la source – mobilise 1.200 équivalents temps plein. « Il n’est donc techniquement pas possible que la réforme entraîne la suppression de dizaines de milliers d’emplois comme je peux l’entendre parfois ».
Cette réforme va-t-elle coûter de l’argent ?
Si Bruno Parent ne répond pas directement par l’affirmative à la question, ses déclarations démontrent que la réponse est positive. Combien précisément ? Le – 413 pages tout de même – ne le dit pas. Ce qui est sûr, c’est qu’il va falloir former les personnels. Et ce dès le début de l’année 2017, pour que tout le monde soit prêt le 1er janvier 2018, date d’entrée en application du prélèvement à la source (si le Parlement adopte le texte). Bruno Parent assure que ces formations seront « massives » mais « développées surtout en interne ». Il reconnaît qu’il y aura « des coûts en termes de déplacement ».
Ensuite, il va falloir revoir le système informatique de l’administration fiscale, mais aussi de l’Etat puisqu’en tant qu’employeur (à travers les hôpitaux, etc.), il va lui aussi devenir collecteur. Bruno Parent assure que « l’essentiel » de ces travaux informatiques sera mené « à partir des moyens internes de la DGFiP. Nos équipes informatiques, qui sont assez puissantes, feront face à ces tâches ». Pour autant, le directeur admet qu’il y aura « quand même » un coût externe, lié à « l’achat de matériel supplémentaire » et aux frais de recours à des prestataires extérieurs pour de « l’assistance ». Ce qui devrait représenter « quelques dizaines de millions d’euros ».
Et si vous souhaitez participer :
Le Sénat propose à chacun – contribuable ou collecteur – de donner son avis sur cette réforme du prélèvement à la source. Pour l’instant, « cet espace participatif a reçu 1.142 contributions, dont seulement deux favorables à cette évolution », assure Albéric de Montgolfier (Les Républicains, Eure-et-Loir), rapporteur général de la commission des finances. Si vous voulez participer, ça se passe .