Le secret bancaire en voie de disparition au sein de l'Europe, mais pas la fraude fiscale

EVASION FISCALE La signature d'un accord d'échange d'informations entre Monaco et l'UE a poussé Pierre Moscovici a déclaré la fin du secret bancaire en Europe...

O. P.-V.
Monaco a signé un accord d'échange d'informations bancaires avec l'UE.
Monaco a signé un accord d'échange d'informations bancaires avec l'UE. — Valery Hache afp.com

Pierre Moscovici en est sûr : « Le secret bancaire en Europe, c’est fini. » Le commissaire européen aux affaires économiques a fait cette déclaration en marge de l’adoption mardi d’un accord entre l’Union européenne et Monaco introduisant dès le 1er janvier 2018 l’échange automatique d’informations sur les comptes bancaires de leurs ressortissants respectifs qui vise à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. 20 Minutes fait le point sur la question.

Est-ce vraiment la fin du secret bancaire en Europe ?

L’affirmation de Pierre Moscovici rappelle une déclaration un peu hâtive de Nicolas Sarkozy en 2009. Le président de la République avait assuré que « les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est terminé ». Mais cette fois-ci, l’ancien ministre de l’Economie se rapproche de la réalité. Des accords similaires à celui entre l’Union européenne et Monaco ont déjà été signés avec plusieurs pays adeptes du secret bancaire avec le Luxembourg évidemment, et à un degré moindre l’Autriche et la Belgique. En dehors, de l’UE, des accords ont été signés avec la Suisse, le Liechtenstein, Saint-Marin et l’Andorre. L’accord monégasque est donc bien la dernière étape vers la fin du secret bancaire pour les administrations fiscales entre les pays européens.

Pourquoi les abus vont durer encore un peu

Les dérives du secret bancaire au sens strict (c’est-à-dire quand l’administration fiscale ne peut pas accéder à un compte) ne seront plus possibles pour les ressortissants de l’Union européenne à partir du 1er janvier 2018, et la mise en application de l’accord entre l’UE et Monaco sur l’échange automatique d’informations sur les comptes bancaires de leurs ressortissants respectifs. D’ici là, les dissimulations de capitaux vont s’intensifier, explique Jérôme Lasserre Capdeville, maître de conférences à l’université de Strasbourg et spécialiste en droit bancaire et pénal : « Pendant un an et demi, les personnes qui recherchent une certaine discrétion concernant leurs affaires vont se débrouiller avec leur établissement de crédit pour que leurs fonds soient virés vers un autre pays qui présente encore un secret bancaire fort. » Hong-Kong, Singapour, etc.la liste est longue hors de l’Europe. La situation est déjà observée en Suisse, où l’application des échanges automatiques d’informations ne démarrera qu’en 2018. « Depuis il est de notoriété publique qu’il y a des transmissions de flux de capitaux massifs vers d’autres paradis fiscaux », explique Jérôme Lasserre Capdeville.

La fraude fiscale disparaîtra-t-elle au sein de l’Europe avec le secret bancaire ?

Non, et c’est bien le problème restant. Plus fort encore que la protection du secret bancaire pour les personnes qui voudraient dissimuler des fonds : le trust, entité juridique qui empêche par un montage financier de savoir qui est le bénéficiaire effectif des fonds placés sur le trust en question. Si la méthode est légale, elle a évidemment la plupart du temps pour objectif d’éviter le regard de l’administration fiscale, puisqu’officiellement les fonds n’appartiennent pas à la personne qui les détient. « Le trust c’est la dissimulation à l’extrême, explique le spécialiste en droit bancaire. Et devinez qui est le champion du trust en Europe ? Le Royaume-Uni. Jersey, Guernesay et la City sont les paradis du trust. » Ce n’est pas le seul, ajoute Jérôme Lasserre Capdeville : « Le Liechtenstein a beau avoir progressé sur son secret bancaire, il héberge aussi l’Anstalt, un certain type de trust local. » En somme, fin du secret bancaire, presque, de la dissimulation fiscale, loin de là.