Euro 2016: Le subtil équilibre entre risque sécuritaire et bénéfices économiques dans les fan-zones
ECONOMIE Très critiquées, les fan-zones ont pourtant été maintenues dans les dix villes hôtes de l'Euro...
Elles auront essuyé les critiques jusqu’au bout. Depuis les attentats de Paris et de Saint-Denis, les fan-zones mises en place dans dix villes de France pour l’Euro n’ont cessé d’alimenter des débats, principalement centrés sur la sécurité.
Ces espaces censés accueillir dès ce vendredi les spectateurs pour regarder les matchs sur écrans géants et placés sous la responsabilité des municipalités, faisaient bien partie du cahier des charges de l’UEFA pour accueillir l’Euro 2016 remporté par la France en 2010. Mais en six ans, le contexte sécuritaire a bien évolué.
« Une formidable fête populaire »
A Paris, où est installée la plus grande des fan-zones avec une capacité de 92.000 spectateurs, le débat a été houleux entre élus socialistes, LR et écologistes. Quand ces derniers se sont abstenus de voter, les élus de droite n’ont cessé de critiquer une telle concentration de personnes sous la tour Eiffel dans un contexte de menace terroriste aussi élevée.
Anne Hidalgo, qui présente la fan-zone du Champs de Mars comme « une formidable fête populaire », a tout de même eu gain de cause. A Lyon, Denis Broliquier, le maire UDI du 2e arrondissement, ne peut pas en dire autant. L’édile a milité pour que les fan-zones ne voient pas le jour : « Leur maintien demande de réquisitionner des forces de l’ordre par centaines alors que celles-ci sont déjà épuisées. A Lyon, on a annulé la Fête des lumières en décembre pour des raisons de sécurité. Aujourd’hui, tout le monde est d’accord pour dire que la menace est encore plus élevée qu’à l’époque. »
« Un bénéfice d’image et d’activité »
Pour Richard Miron, adjoint au maire de Marseille et secrétaire général de l’Association des villes hôtes, le maintien des fan-zones est positif : « A Marseille, nous attendons 1 million de personnes supplémentaires avec l’Euro, dont 600.000 hors du stade. Cela va forcément créer des retombées au niveau de l’hôtellerie, de la restauration, de l’emploi. Ça aura aussi un impact sur l’image de la ville. Des touristes attirés par l’Euro reviendront peut-être passer un week-end ou des vacances après avoir vu notre fan-zone sur la plage du Prado. »
« Le bénéfice économique pour Paris est inexistant. Le plan d’accompagnement présenté par la Ville contient certains aspects positifs. Mais il est faux de penser qu’on met en place une fan-zone pour des questions de rentabilité économique », estime de son côté David Belliard, coprésident du groupe écologiste de Paris.
Pas de fan-zone, pas de bonus
Denis Broliquier y voit davantage une situation où les villes se retrouvent prises en otages par le contrat qui les lie à l’UEFA : « Le maintien des fan-zones n’est pas uniquement lié à des raisons commerciales, mais je serais curieux de connaître le montant des indemnités à verser à l’UEFA en cas d’annulation d’une fan-zone. » L’accord avec l’UEFA ne stipulerait pourtant aucune indemnité en cas de décision négative concernant l’installation d’une fan-zone. « L’UEFA y incite, mais ce n’était pas une obligation », explique Richard Miron, qui admet toutefois que la confédération n’aurait pas versé les 2 millions d’euros à chaque ville si celles-ci avaient décidé d’abandonner les espaces de retransmission.
Sous la pression d’Alain Juppé, président de l’Association des villes hôtes, lUEFA a effectivement accepté de verser 2 millions d’euros à chacune des villes pour améliorer ses infrastructures. Aidées également par l’Etat, celles-ci ne sont donc pas seules pour assumer des coûts très variables. A Paris, la fan-zone va coûter 7 millions d’euros à la ville, quand elle en coûtera 4,4 millions à la métropole lilloise, 2 millions à la ville de Lyon ou 1,3 million à Toulouse. En attendant tout de même un retour sur investissements ?
Des chiffres et des hommes
Dans le rapport remis le 19 mai dernier par l’OCDE au ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports Patrick Kanner, l’organisation cite une projection d’1,2 milliard d’euros de retombées économiques au niveau national. Des chiffres qui proviennent du Centre de Droit et d’Economie du Sport, chargé d’estimer l’apport potentiel de l’Euro 2016 sur l’économie française. En tablant sur la présence de 6,5 millions de spectateurs pendant l’Euro dans les fan-zones - soit un taux de remplissage de 65 % - avec une dépense moyenne pour chacun de 108 euros, le CDES prévoit 352 millions d’euros de dépenses totales des spectateurs dans ces espaces.
Pourtant, les élus locaux se montrent parfois sceptiques. Denis Broliquier ne voit dans les fan-zones que « des zones commerciales conçues uniquement au profit de l’UEFA. Si elles n’étaient pas là, ce sont les commerçants locaux qui auraient pu bénéficier de l’événement. » Un avis partagé par David Belliard pour qui « le grand gagnant, c’est de toute façon l’UEFA ». D’après les estimations de l’Union des associations européennes de football, le chiffre d’affaires à venir de la compétition devrait avoisiner les 2 milliards d’euros.
Le CDES doit réaliser des enquêtes de terrain du 10 juin au 10 juillet partout en France pour estimer les retombées économiques réelles de la compétition.