Blocage des raffineries: La stratégie de la CGT peut-elle être payante?
SOCIAL Le bras de fer se durcit entre l’exécutif et la CGT qui a appelé au blocage des raffineries…
Après les manifestations, les blocages. Pour lutter contre la loi Travail, la CGT a appelé le 17 mai dernier « au blocage progressif des produits pétroliers » et six raffineries sur huit sont désormais à l’arrêt ou tournent au ralenti.
Ce qui fait bondir l’exécutif. Depuis lundi, ce dernier multiplie les déclarations sévères à l’égard de la CGT, la qualifiant de syndicat dans « l’impasse ». Bref, les positions de chacun se durcissent.
De quel côté penche l’opinion ?
« Après deux mois et demi de manifestations contre la loi Travail, la CGT fait le constat que la stratégie de la rue ne porte pas ses fruits et change de technique en appelant au blocage », analyse Dominique Andolfatto, chercheur spécialiste du syndicalisme.
Une tactique qui n’est pas nouvelle, comme le rappelle Irène Pereira, sociologue du militantisme : « Quand les syndicats rencontrent des difficultés à mobiliser des grèves générales de grande ampleur, ils optent pour le blocage de points névralgiques. Ils avaient déjà eu recours à cette technique en 1995 et en 2010. »
Fillon-Valls, mêmes méthodes
Sans succès dans le second cas : la réforme des retraites défendue par Nicolas Sarkozy était finalement passée. François Hollande se montrera-t-il aussi inflexible, à moins d’un an de la présidentielle ? Pour l’instant, le gouvernement Valls recourt aux mêmes méthodes que celles jadis utilisées par le gouvernement Fillon, à savoir l’envoi de forces de l’ordre pour libérer les sites pétroliers. « Le bras de fer prend une tournure juridique en posant la question de la limite du droit de grève, analyse Irène Pereira, mais il se joue bien au-delà du débat légal. » Car la véritable question est de savoir de quel côté penche l’opinion.
Ce qui est difficile à établir : « Les salariés peuvent redouter de ne plus disposer d’assez de carburant pour se rendre à leur travail et donc in fine de perdre du pouvoir d’achat, ce qui n’améliore pas la cote de la CGT », avance Dominique Andolfatto. « D’un autre côté, les sondages prouvent d’une part que l’opinion désapprouve très largement le président et le Premier ministre et d’autre part qu’elle est très opposée à la loi Travail. »
« La CGT semble même jouer son va-tout »
Irène Pereira ne serait pas surprise de voir émerger le phénomène dit de « délégation de la grève » : « Dans un contexte où se mettre en grève est difficile, certains salariés pourraient décider de soutenir le mouvement en abondant financièrement les caisses de grève de la CGT. » Cette « délégation de la grève » avait en tout cas été pratiquée lors des mouvements sociaux de 1995 et de 2010.
Quoi qu’il en soit, la CGT a déjà remporté une bataille : celle de l’image. « En bloquant les raffineries, elle se donne de la visibilité dans les médias – d’où elle avait pratiquement disparu – et donc auprès de l’opinion publique », décrypte Dominique Andolfatto.
Et d’ajouter : « Alors même que la loi Travail a été vidée de sa substance, la CGT ne désarme pas. Elle semble même jouer son va-tout en lançant toutes ses forces dans le combat. Sans doute parce qu’elle se dit qu’elle a tout à y gagner : si le texte n’est pas retiré, elle ne perdra rien, mais si le gouvernement fait machine arrière, elle renforcera son aura. »
Et ses résultats aux élections professionnels, pour l’heure en recul ? C’est possible, d’après Irène Pereira : « Le gouvernement est passé en force avec le 49-3. Or, l’histoire des mouvements sociaux prouve que la sensation de ne pas être entendus pousse les travailleurs à aller vers plus de conflictualité. »