VIDEO. «Panama papers»: Le Panama est-il la nouvelle Suisse?
FISCALITE « 20 Minutes » profite de l’affaire « Panama papers » pour vous faire découvrir à quoi ressemble le paradis fiscal du Panama...
Bienvenido a Panamà ! Sa végétation luxuriante, ses 3.000 kilomètres de côtes et son collier d’archipels font de ce petit pays d’Amérique centrale un véritable éden.
Le magazine Forbes le classait d’ailleurs en 2013 à la deuxième place des meilleures destinations pour vivre sa retraite… A fortiori lorsque l’on est un senior fortuné, le Panama est un vrai paradis fiscal comme l’enquête « Panama papers » vient de le rappeler. Mais quel genre de paradis fiscal est-il précisément ?
Il est d’abord un territoire où les particuliers sont très peu taxés – le taux de TVA ne dépasse pas les 7 %, hors alcool et tabac, et les produits alimentaires, l’essence ou encore les services médicaux en sont exemptés.
« Etat le moins coopératif au monde »
Les entreprises sont également bien loties avec un taux d’imposition plafonné à 25 %. Le Panama leur offre surtout une opacité totale – il ne tient aucun registre du commerce. Ce qui attire les investisseurs étrangers, séduits à l’idée d’y créer de parfaites sociétés « écran », l’identité de leurs associés et de leurs actionnaires étant religieusement tenue secrète. Ce qui explique pourquoi le Panama héberge plus de 350.000 entreprises offshore, soit le troisième plus grand nombre au monde après Hong Kong et les Iles vierges britanniques.
Le Panama est enfin l’un des derniers paradis fiscaux – avec Bahreïn, le Vanuatu et Nauru – à refuser de lever son secret bancaire. En fait, il s’est engagé en 2011 à coopérer avec les administrations fiscales étrangères, « mais en pratique, lorsque ces administrations lui ont posé une question, Panama ne leur a jamais répondu de manière satisfaisante », résume Gaëlle Menu-Lejeune, avocate au sein du département Droit fiscal du cabinet Fidal.
C’est le constat dressé par la très officielle OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, « qui place le Panama au rang d’Etat le moins coopératif au monde », précise Jean Merckaert, administrateur de Sherpa, une association spécialisée dans la défense des populations victimes de crimes économiques.
Si les précédents scandales, comme celui d’UBS, de HSBC ou encore de LuxLeaks, ont fini par faire plier la Suisse ou le Luxembourg, « le Panama a toujours refusé d’appliquer les nouvelles règles », poursuit Daniel Lebègue, président de Transparency International France.
Tout simplement parce que les représailles ne l’ont jamais effrayé. « Lorsque les Américains menacent les banquiers suisses de ne plus pouvoir exercer aux Etats-Unis s’ils ne coopèrent pas avec l’administration fiscale étasunienne, ils sont bien contraints de céder, parce qu’ils ont trop à perdre. Ce n’est pas le cas du Panama. Pour ce pays sans industrie et avec très peu de services, il est plus rentable de continuer à attirer l’argent des étrangers », détaille Daniel Lebègue.
Si le Financial secrecy index classe le Panama au 13e rang de son indice d’opacité financière, avec un score de secret évalué à 72 %, cette place reste toutefois un tout petit paradis fiscal en comparaison de la Suisse. Quand le premier attire 55 milliards de dollars de dépôts étrangers, la seconde en accueille près de 2.200 milliards…
Reste que le Panama excelle dans un domaine : l’argent sale. « Il attire celui issu de la drogue, du trafic d’armes, du trafic d’êtres humains ou encore des dictateurs. Panama est une place réellement malodorante », commente Daniel Lebègue. Même le très diplomatique Fonds monétaire international (FMI) l’avance dans un rapport publié en 2014 : « Panama est vulnérable au blanchiment d’argent ».
« Le Panama est carbonisé »
Mais les choses pourraient changer. Dimanche, dans la foulée de la révélation du scandale « Panama papers », le gouvernement panaméen a assuré qu’il « coopérera vigoureusement » avec la justice en cas d’ouverture d’une procédure judiciaire.
Le fera-t-il vraiment ? Cela l’obligerait à mettre un terme à la culture du secret, intimement liée à l’histoire de ce pays né en 1903 – il était auparavant un simple département de la Colombie.
Le gouvernement américain l’avait aidé à acquérir cette indépendance à la demande de divers groupes bancaires, dont le toujours très actif J. P. Morgan & Co., dans le but de terminer la construction du canal de Panama. Ce qui fut fait en 1914. Le Panama posait dans la foulée les premiers nuages de son paradis fiscal en enregistrant dans son pavillon des navires étrangers afin d’aider le pétrolier américain Standard Oil, propriété du milliardaire Rockefeller, à échapper aux impôts américains…
Le pouvoir tournera-t-il le dos à cette tradition du secret ? Daniel Lebègue pense qu’il n’aura pas d’autre choix : « Le Panama pouvait s’enorgueillir d’offrir un abri à tous ceux qui souhaitaient dissimuler leurs avoirs, mais "Panama papers" a ouvert la boîte noire et plus personne ne se risquera à placer son argent là-bas. Le Panama est carbonisé, tout est désormais fini pour lui ». Au Panama, le paradis fiscal s’est peut-être transformé en enfer.