Economie collaborative: «Les politiques devraient soutenir des formes entrepreneuriales plus justes»

INTERVIEW Le théoricien Michel Bauwens réagit au rapport Terrasse sur l’économie collaborative…

Propos recueillis par Anne-Laëtitia Béraud
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Illustration de l'application Airbnb sur smartphone.
Illustration de l'application Airbnb sur smartphone. — ISOPIX/SIPA

Le député socialiste Pascal Terrasse remet ce lundi soir à Manuel Valls son rapport sur l’économie collaborative. Le texte suggère 19 propositions pour mieux encadrer cette économie qualifiée d'« alternative crédible à un modèle de consommation qui s’essouffle ». Il exige notamment plus de transparence fiscale pour des plateformes numériques telle que Airbnb ou Le Bon Coin. Le théoricien de l’économie collaborative Michel Bauwens revient pour 20 Minutes sur ce rapport. Cet ancien chef d’entreprise est l’auteur de Sauver le monde, vers une société post-capitaliste avec le peer-to-peer (éditions Les Liens qui libèrent), et créateur de la P2P Foundation.

Comment réagissez-vous aux principales propositions du rapport de Pascal Terrasse ?

Tout d’abord une remarque. Il me semble que ce rapport ne parle que de l’économie des échanges de services et de propriété, alors qu’il y a plusieurs économies collaboratives, dont une qui créée de vraies ressources partagées, les « communs ».

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Ensuite, ce rapport rappelle des principes importants. En affirmant que des aspects de mutualisations des biens et des infrastructures sont une bonne chose pour l’écologie, et qu’elle peut permettre des revenus supplémentaires pour certains. En disant que les acteurs doivent être régulés et fiscalisés, en faisant la différence entre les petits et les grands. Ou encore que les acteurs en concurrence, comme les VTC et les taxis, doivent être soumis aux mêmes contraintes.

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Que pensez-vous des grandes plateformes, de type Airbnb ou Uber ?

Le pouvoir des plateformes est très important. Elles s’interposent entre l’offre et la demande. Malgré les apparences, l’offre et la demande sont « atomisées » [fragmentées] et on favorise le plus souvent la demande, c’est-à-dire ceux qui ont déjà, et non ceux qui offrent leur travail et des services. Aux Etats-Unis, on voit des anciens chauffeurs d’Uber créer leur propre plateforme autogérée, avec le service Arcade City [lancé en février 2016].

Des propositions politiques devraient soutenir des formes entrepreneuriales plus justes et démocratiques. Il y a un danger que les travailleurs deviennent de plus en plus précaires, ou que la plus grande partie de la plus-value réalisée [par ces plateformes] ne soit pas réinvestie dans les infrastructures et les acteurs de l’échange, mais versée aux propriétaires financiers de ces plateformes. Et il me semble que le rapport ne parle pas de ces choses-là…

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Selon ce rapport, les particuliers qui se comportent comme des professionnels devront « remplir les obligations fiscales et sociales » correspondant à leur statut, mais aussi bénéficier d’une protection sociale en tant que travailleurs indépendants…

Il me semble que la France a déjà des beaux modèles pour les travailleurs indépendants, comme le statut des intermittents, et aussi des nouvelles mutuelles pour des travailleurs libres comme les Sociétés coopératives et participatives (SCOP). Il y a par exemple Coopaname [une coopérative qui permet à des personnes souhaitant créer leur activité de s’associer sous statut salarié au sein d’une coopérative, plutôt que de fonder leur entreprise] qui n’est pas assez connue. Il faudra donc faire un travail de communication vers ces travailleurs indépendants, afin de leur faire connaître ces possibilités de protection sociale.