Alibaba s'offre le quotidien de référence anglophone de Hong Kong

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Des exemplaires du South China Morning Post, le 28 novembre 2015 dans un kiosque à journaux à Hong Kong
Des exemplaires du South China Morning Post, le 28 novembre 2015 dans un kiosque à journaux à Hong Kong — DALE de la REY AFP

Le géant chinois de l'internet Alibaba a annoncé vendredi le rachat du quotidien anglophone de référence de Hong Kong, le South China Morning Post, une opération qui fait crainte une mainmise accrue de Pékin sur la presse de l'ancienne colonie britannique.

«Notre objectif est d'étendre le lectorat du South China Morning Post à travers le monde grâce à la distribution numérique et un accès plus facile aux contenus», a commenté Joe Tsai, vice-président exécutif du groupe Alibaba, dans un communiqué, sans donner le montant de la transaction.

Le journal continuera à faire preuve d«objectivité, d'exactitude et d'équité» et «aura le courage d'aller à l'encontre des idées reçues», a assuré M. Tsai dans une lettre aux lecteurs publiée après l'annonce du rachat.

Mais dans un questions-réponses publié sur le site du quotidien, le vice-président d'Alibaba a accusé les médias occidentaux de parti pris contre la Chine.

«De nombreux journalistes travaillant pour les médias occidentaux s'opposent au système de gouvernance en Chine et cela déforme leur couverture. Nous voyons les choses différemment, nous pensons que les choses doivent être présentées telles qu'elles sont», a déclaré M. Tsai.

«Avec une expertise reconnue, notamment dans l'internet mobile, Alibaba est en excellente position pour utiliser au mieux la technologie afin de créer du contenu de manière plus efficace et d'atteidre une audience globale», a affirmé de son côté Robin Hu, PDG de ce journal connu sous son acronyme SCMP.

«L'acquisition inclut également un portefeuille de magazines tels que les éditions de Hong Kong de Elle, Cosmopolitan, Esquire, The PEAK et Harper's Bazaar», précise Alibaba dans son communiqué.

Le SCMP comprend d'autres titres comme son édition dominicale, son édition numérique SCMP.com et des applications de téléphonies mobiles, de même que les deux sites chinois Nanzao.com et Nanzaozhinan.com. 

- Indépendance éditoriale -

Fondé en 1903, ce journal est reconnu pour sa connaissance de Hong Kong, la colonie britannique rétrocédée à Pékin en 1997, et de la Chine elle-même.

Mais comme bien d'autres titres de presse au monde, le SCMP a été frappé par la chute de ses ventes et de ses bénéfices publicitaires, et par des problèmes d'adaptation aux nouvelles technologies.

Cette acquisition fait suite à des semaines de spéculations sur l'avenir de ce journal de langue anglaise et des inquiétudes que celui-ci devienne un porte-parole de Pékin. 

Des analystes redoutent en effet que le SCMP perde définitivement toute indépendance par rapport au gouvernement chinois, avec son rachat par Alibaba, la plate-forme de commerce électronique fondée par Jack Ma.

M. «Ma a des liens serrés avec le gouvernement. Je suis sûr qu'il ne voudra pas d'articles gênants dans le SMCP», expliquait fin novembre à l'AFP Willy Lam, de l'Université chinoise de Hong Kong, territoire secoué par des manifestations anti-régime fin 2014.

«Le public a de bonnes raisons d'être sceptique, en raison notamment du passé de Jack Ma et du groupe Alibaba», ajoutait M. Lam.

Jack Ma a fondé Alibaba en 1999 et, sous sa direction, le groupe est devenu le premier du e-commerce en Chine en opérant notamment la plateforme Taobao qui représente 90% du marché chinois.

«Il est difficile d'imaginer qu'il tolérera des articles critiques qui pourraient donner une image négative du Parti communiste ou du système politique chinois en général», a encore dit M. Lam, responsable de l'édition chinoise du journal de 1989 à 2000 jusqu'à son éviction.  

La question de l'indépendance éditoriale du SCMP se pose depuis son rachat en 1993 par le milliardaire malaisien Robert Kuok, qui a de nombreux intérêts en Chine.

Territoire chinois bénéficiant d'une large autonomie, Hong Kong a connu à l'automne 2014 sa plus grave crise politique depuis sa rétrocession en 1997. Des dizaines de milliers de manifestants avaient paralysé pendant des semaines des quartiers entiers de la ville pour réclamer un véritable suffrage universel pour la désignation du prochain chef de l'exécutif en 2017, sans droit de regard de Pékin sur le choix des candidats.