La «consommation émergente» est populaire mais peine à faire de nouveaux adeptes
SOCIETE Passage en revue des quatre révélations surprises de la troisième enquête de l'ObSoCo...
Elle est loin l’image du soixante-huitard écolo et décroissant qui partage ses biens. La troisième enquête de l’Observatoire Société et consommation (ObSoCo) 2015* révèle quelques surprises sur les pratiques de consommation émergentes des Français.
- Ce sont les pratiques dont on parle le plus qui concernent le moins
Avec les avancées technologiques et la crise économique, la consommation alternative (divisée en 21 pratiques comme la vente entre particuliers, le covoiturage, l’achat bio ou local, l’hébergement entre particuliers) séduit les Français : 99 % des sondés ont pratiqué une de ces formes de consommation émergente ces 12 derniers mois. Mais si le crowdfunding ou Airbnb bénéficient d’une attention particulière des médias, ces pratiques ne concernent qu’une minorité des sondés. Les plus courantes sont en réalité l’achat de produits bio, locaux, du commerce équitable, en direct aux producteurs ainsi que le « faire soi-même ». Seule pratique collaborative à convaincre plus d’un Français sur deux : l’occasion, que ça soit l’achat (60 %) ou la vente (54 %). Loin derrière arrivent le covoiturage (19 %) et la location de véhicule entre particulière (2 %). « Finalement les pratiques qui reçoivent le plus gros écho médiatique sont les moins courantes, souligne Philippe Moati, cofondateur de l’ObSoCo.
- Une motivation égocentrée en priorité
Pourquoi se mettre sur Le Bon Coin ? Tout d’abord pour dépenser moins. La baisse du pouvoir d’achat depuis dix ans des Français a encouragé l’émergence de ces consommations alternatives. Si la quête de sens et les réserves vis-à-vis de l’hyper consommation et des marques font partie des motivations, le bénéfice personnel reste primordial, qu’il soit de louer pour économiser, augmenter ses revenus ou manger plus sain. Et l’engagement dans ces consommations alternatives augmente avec le niveau de revenus : les 6 % de « multi-pratiquants » sont plutôt trentenaires et appartiennent aux CSP +. Une partie de ces pratiques encourage donc l’hyperconsommation, même si elle se révèle plus high-tech, ludique et expérimentale.
- Des pratiques alternatives qui n’explosent pas
Blablacar ou Uber ont beau revendiquer une clientèle exponentielle, ces pratiques stagnent. Ainsi, l’achat d’occasion est passé de 61 % en taux de pénétration en 2012 à 60 %, l’adhésion à une Amap de 5 à 6 % entre 2012 et 2015… « Il existe un vrai contraste entre des médias qui ont donné une visibilité à ces pratiques alors que le gros de la croissance s’est produit dans les années 2010, résume Philippe Moati. On a même créé un néologisme : «ubérisation» ! Mais en réalité la croissance s’opère par l’intensification des pratiques plus que par l’arrivée de nouveaux consommateurs. » Dans le détail, en 2012, 16 % des fans d’occasion achetaient plus de trois catégories de produits, en 2015 ils sont 22 %.
- Un marché qui se concentre
Si l’économie collaborative bénéficiait au départ d’une image anti système et de consommation responsable, ce secteur se révèle très rude. On l’a vu avec la polémique sur les droits des conducteurs d’Uber. « L’économie de ce secteur est soumise à des effets de réseaux très sévères : on tend vers le monopole », reprend Philippe Moati. En effet, le succès de Blablacar s’appuie sur la disparition de nombre de petites PME de location entre particuliers. Et l’installation de multinationales comme Uber ou Airbnb pose la question de la concurrence avec les acteurs de l’économie traditionnelle. Qui souvent réagissent en se positionnant sur ce secteur émergent. Quand Conforama propose à ses clients de louer des outils, la SNCF se met au covoiturage et à l’autopartage ou que les grandes surfaces enrichissent leur rayon bio et équitable. Au point de remettre en question la définition même de ces pratiques de consommation émergentes…
Infographie sur les Consommations Emergentes 2015 par l'Obsoco
Méthodologie
* L’enquête a été réalisée du 24 juin au 10 juillet 2015 sur un échantillon de 4.068 personnes représentatif de la population nationale âgée de 18 à 70 ans. Il s’agit de la troisième enquête sur ce sujet, la première datant de 2012.