La baisse du prix du pétrole va-t-elle durer ?
DÉCRYPTAGE Plombés par les craintes de surproduction avec le retour de l’Iran et les inquiétudes concernant la consommation de la Chine, deuxième importateur mondial de pétrole, les cours de l’or noir sont en forte baisse…
La baisse du prix du pétrole, amorcée en juin 2014, se confirme. Après des rebonds sur les valeurs basses de janvier dernier, le baril de Brent, la référence européenne du pétrole brut, s’échange autour de 50,30 dollars (environ 46 euros) ce mercredi, un prix en baisse de 25 % par rapport au point le plus haut du mois de mai 2015.
Pourquoi le prix du pétrole chute-t-il ? L’économie française peut-elle profiter de cette baisse ? 20 Minutes répond à ces questions avec l’éclairage d’Anne Pumir, analyste dans l’équipe pétrole de Natixis.
Pourquoi le prix du pétrole diminue-t-il ?
La production de pétrole augmente plus vite que la demande. « En 2014, la production des Etats-Unis s’est accrue très vite avec la révolution du pétrole de schiste, de l’ordre d’un million de barils/jour », rappelle Anne Pumir. Le pays est devenu le premier producteur de brut mondial. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), dont les 12 pays membres produisent près de 40 % du pétrole extrait dans le monde, n’a pas baissé ses niveaux de production.
Du côté des importateurs, la demande n’est pas aussi forte qu’escomptée. En Chine, deuxième importateur net mondial de brut au coude-à-coude avec les Etats-Unis, la croissance économique commence à s’essouffler. La reprise économique se fait également attendre en Europe. Résultat, « il y a un excédent de pétrole sur le marché, estimé entre 1,5 et 2 millions de barils/jour », explique l’analyste. « Les stocks s’accumulent, tirant inévitablement les prix vers le bas ».
Cette baisse va-t-elle durer ?
Si ni l’OPEP, ni les Etats-Unis ne diminuent leur production, la réponse est oui, selon Anne Pumir. Or l’OPEP a réaffirmé la semaine dernière sa détermination à ne pas baisser ses objectifs.
A moyen terme, l’aboutissement des négociations sur le nucléaire iranien, qui laisse entrevoir la levée des sanctions occidentales dès 2016, exacerbe les tensions sur le cours de l’or noir. Concrètement, l’Iran pourrait considérablement augmenter sa production de pétrole qui s’élève actuellement à près de 3 millions de barils/jour. Le ministre iranien du pétrole Bijan Namdar Zanghaneh a déclaré dimanche que la production de son pays augmenterait de 500.000 barils/jour dès la levée de l’embargo, puis d’un million de barils/jour après un mois. En outre, « le pays dispose de stocks flottants estimés entre 30 et 40 millions de barils », précise Anne Pumir. De quoi accentuer l’inquiétude du marché du pétrole…
« Même s’il y a un ajustement de la production, il faudra attendre quelques trimestres avant de constater un rééquilibrage car l’industrie pétrolière fonctionne en cycle long et les acteurs du secteur ont une faible flexibilité », précise l’analyste.
La chute du cours du pétrole est-elle favorable à l’économie française ?
« La France, importateur net de pétrole bénéficie de la baisse du prix de l’or noir, même si cette chute est en partie amortie par le taux de change et la fiscalité », note Anne Pumir. Si cette tendance s’inscrit dans la durée, elle va permettre d’alléger la facture énergétique du pays, de baisser les coûts de production des entreprises, en particulier dans les industries lourdes, et de faire baisser le prix de l’essence et du gazole qui avait sensiblement augmenté de novembre 2014 à mai 2015, détaille l’analyste. Une bonne nouvelle pour les ménages, surtout en période de vacances.
Les consommateurs de gaz, dont le prix est indexé sur les cours pétroliers, y gagneraient aussi.