Rachat de Bouygues Telecom par SFR-Numericable: Les 5 raisons d'un refus

TELECOMS Mardi soir, le conseil d'administration de Bouygues a rejeté l'offre de rachat de Patrick Drahi de 10 milliards d'euros...

O.G. avec AFP
Martin BOUYGUES PDG du groupe Bouygues  depuis 1989
Martin BOUYGUES PDG du groupe Bouygues depuis 1989 — P.MAGNIEN / 20 MINUTES

C’est une fin de non-recevoir qui a surpris. Le conseil d’administration du groupe Bouygues a rejeté mardi soir à l’unanimité l’offre d’Altice, maison-mère de l’opérateur Numericable-SFR, alors qu’elle affichait un montant supérieur d’au moins deux milliards d’euros aux estimations de la filiale télécom. Un rejet justifié en cinq temps.

https ://twitter.com/GroupeBouygues/status/613426120071999488

Rachat de Bouygues : Craintes sur le front de l’emploi et des tarifs

Des doutes sur la solidité de l’offre

Pour racheter Bouygues Telecom, Patrick Drahi avançait une somme de 10 milliards d’euros… couvert par un emprunt à la BNP-Paribas. Un montage qui pouvait paraître périlleux pour l’industriel déjà endetté à hauteur de 32 milliards d’euros.

Autre risque : celui d’une concurrence bafouée. « Le risque d’exécution a été la principale motivation puisque l’offre d’Altice supposait que Bouygues assumerait 100 % du risque d’une procédure longue et incertaine », a précisé le groupe Bouygues dans un communiqué.

Invité de RTL ce mercredi matin, Martin Bouygues a émis des doutes quant à la solidité de la proposition d’Altice : « Je ne vois pas comment M. Drahi pourrait monter un financement sérieux et en même temps pouvoir assumer tous les remèdes » qui seraient imposés par l’Autorité de la concurrence, a-t-il noté.

Martin Bouygues sur #RTL "4 opérateurs sur le marché c'est correct si la régularisation est acceptable" pic.twitter.com/GxRctpxzsq
— RTL France (@RTLFrance) June 24, 2015

La viabilité de Bouygues Telecom

Bouygues Telecom a perdu 41 millions d’euros en 2014 et affiche un premier trimestre 2015 déficitaire. Pourtant, le patron de Bouygues ne se montre pas inquiet quant à son avenir. « Nous avons recréé un projet d’entreprise pour Bouygues Telecom avec beaucoup de sacrifices de la part des salariés et je pense que nous avons à présent des offres extrêmement crédibles », a-t-il relevé sur RTL. « Depuis six mois dans le mobile nous avons une conquête de nouveaux clients qui est devenue forte, et dans le fixe avec notre offre à 19,99 euros, qui je reconnais déstabilise nos concurrents », a-t-il rappelé.

L’impact sur l’emploi

Si Martin Bouygues n’a pas justifié clairement ce refus par le risque social, il évoque tout de même les « sacrifices de salariés ». Les syndicats de Bouygues Telecom comme de SFR évoquaient jusqu’à 3.000 emplois supprimés. « Il y a des doublons à tous les étages. Et on vient de sortir de deux plans de départ, 1.950 postes ont été supprimés », rappelle Azzam Ahdab, délégué syndical CFDT chez Bouygues Telecom :

Les réticences du gouvernement

Dès dimanche, Bercy avait exprimé ses inquiétudes. Le ministre de l’Economie Emmanuel Macron, qui a reçu Patrick Drahi mardi, a « rappelé la priorité du gouvernement, surtout sur l’emploi, l’investissement et le niveau des prix, et réaffirmé sa préoccupation sur ce que les synergies évoquées signifieraient en termes d’emploi »

Ce mercredi matin, le ministre du Travail, François Rebsamen a souligné sa satisfaction au micro de France Info, ajoutant que « derrière tout ça, il y a de l’emploi, plus de 10.000 salariés sur SFR-Numéricable, près de 9.000 chez Bouygues, 20.000 emplois sont en jeu ». L’intérêt du gouvernement pour cette restructuration de taille a ravivé les suspicions de pressions politiques sur le géant du BTP qui dépend beaucoup de commandes publiques. Martin Bouygues, qui a rencontré mardi matin François Hollande, a assuré sur RTL qu'« il n’y a pas eu de pression politique » dans cette décision.

Le calendrier serré pour l’octroi des fréquences

Autre motif de blocage : « [Cette offre] ne prend pas en compte le lancement imminent de la procédure d’attribution des fréquences 700 MHz et ses conséquences sur l’opération », précise Bouygues dans son communiqué.

Ces fréquences de 700 MHz, surnommées « fréquences en or », doivent permettre une meilleure qualité de service, répondant ainsi aux contraintes de la téléphonie 4G. Et ces nouvelles fréquences seront vendues aux enchères avant la fin de l’année. Une opération qui pourrait rapporter à l’Etat au moins 2,5 milliards d’euros. « Un retour à trois opérateurs aurait pu désinciter à surenchérir sur ces fréquences », analyse Antoine Autier, chargé de mission chez UFC- Que Choisir. Pour le gouvernement, ce n’était pas le bon moment pour une consolidation des télécoms. »