«Les 35 heures, c’est une sorte de Pacte de responsabilité qui a réussi»

INTERVIEW A l'occasion des quinze ans des 35 heures, la députée socialiste Barbara Romagnan analyse l'impact de la réduction du temps de travail sur l'emploi...

La députée socialiste Barbara Romagnan à l'Université d'été du PS à La Rochelle le 25 août 2012
La députée socialiste Barbara Romagnan à l'Université d'été du PS à La Rochelle le 25 août 2012 — Jean-Pierre Muller AFP

Lundi, les 35 heures auront 15 ans. Alors que cette mesure phare de la gauche a refait polémique récemment, la députée socialiste Barbara Romagnan a pris le contre-pied des esprits critiques. Dans un rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’impact économique, social et sociétal des 35 heures qui doit être rendu public mardi, elle explique les bénéfices des 35 heures pour l’emploi.

Combien d’emplois ont été créés grâce aux 35 heures?

Les lois Aubry de 1998 et 2000 ont permis de créer 350.000 emplois entre 1998 et 2002. C’est la période pendant laquelle le chômage a aussi le plus baissé, passant de 11% à 8%. Les 35 heures ont également permis que la proportion de salariés à temps partiel n’augmente pas sur cette période et que des chômeurs de longue durée puissent accéder à l’emploi.

Comment expliquez-vous cela?

Les 35 heures, c’est une sorte de Pacte de responsabilité qui a réussi. Car en échange d’une baisse des cotisations sociales et d’une plus grande flexibilité, les entreprises ont embauché. Elles y ont trouvé leur intérêt car avec l’annualisation du temps de travail, elles ont pu limiter le coût du recours aux heures supplémentaires. Dans le secteur industriel, elles ont pu aussi faire tourner les machines plus longtemps et donc gagner en productivité.

Mais certains économistes pensent que ces créations d’emploi sont dues à la croissance observée entre 1998 et 2002…

On ne peut pas attribuer ces bons chiffres à la seule croissance. Car entre 1998 et 2002, malgré une croissance européenne forte, aucun autre pays européen n'a créé autant d’emplois. On peut même supposer que les 35 heures ont contribué à tirer la croissance de la zone euro vers le haut..

Vous dites que la mesure a été moins coûteuse pour les finances publiques que d’autres politiques pour stimuler l’emploi, pouvez-vous précisez cela?

Le manque à gagner pour les finances publiques est de 12 milliards par an. Mais grâce aux emplois créés, l’Etat a pu récupérer des cotisations sociales et des taxes issues de la consommation des ménages, tout en réduisant ses dépenses d'assurance chômage. Au final, les lois Aubry ont coûté deux milliards d'euros par an aux entreprises et 2,5 milliards d'euros aux administrations publiques, soit un peu plus de 12.800 euros par emploi créé. Si l’on compare cette mesure au Pacte de responsabilité, il n’y a pas photo. Car si ce Pacte créait un million d'emplois, chacun d'eux coûterait 41.000 euros, soit trois fois plus cher qu’un emploi créé via les 35 heures.

Pensez-vous qu’il faille encore diminuer le temps de travail pour lutter contre le chômage?

S’il y a une période où l’on a réussi à baisser le chômage, c’est bien entre 1998 et 2002, avant que le dispositif ne soit vidé de son contenu entre 2003 et 2008 avec l'explosion du contingent d'heures supplémentaires autorisé (qui est passé de 130 à 220). De plus, la France était compétitive, la consommation était importante et les comptes sociaux équilibrés. Donc si l’on veut trouver des solutions à nos problèmes actuels, il faut regarder dans cette direction et reprendre le mouvement du partage du temps de travail. En commençant par baisser le contingent d’heures supplémentaires autorisé pour les entreprises. Je défends aussi l’idée d’un compte épargne temps dans lequel on pourrait mettre des jours pour les utiliser à d'autres moments de sa vie. Ce qui inciterait les entreprises à embaucher.