Vente de médicaments en grande surface: Une bonne affaire pour les clients?
PROFESSIONS REGLEMENTEES•Pour baisser les prix des médicaments, l’Inspection des finances, dans son rapport remis à Arnaud Montebourg, envisagerait d’autoriser la vente des médicaments dans les grandes surfaces…Floriane Dumazert
«C’est à nouveau la chanson de la grande distribution qui fait son lobbying pour avoir des parts de marché». Ce lundi matin, Les Echos affirment que Bercy envisagerait d’autoriser la vente de certains médicaments en grande surface. Il n’en fallait pas plus pour que les professionnels se lèvent contre Arnaud Montebourg et sa réforme des professions réglementées. «Bercy sert les intérêts de la grande distribution, sans se soucier des patients ou des pharmaciens», poursuit Gilles Bonnefond, président de l’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine (USPO).
Car si pour le ministère, cette libéralisation doit permettre une réduction des prix des médicaments, Gilles Bonnefond assure que les prix français sont déjà parmi les plus bas d’Europe. «Nos prix sont 50% plus faibles qu’en Allemagne, et 30% plus faibles qu’en Italie, qui a ouvert la vente des médicaments dans les grandes surfaces». De même, «nos marges sont très faibles et comme les pharmacies se font concurrence entre elles, les prix des médicaments ne cessent de baisser».
Des médicaments «20 à 25 % moins chers» en grandes surfaces
«Pour faire des économies, il faut sûrement baisser les prix des médicaments, mais certainement pas les sortir des pharmacies», renchérit Michel Mallaret, responsable du centre de pharmacovigilance de Grenoble. Mais aussitôt informées de ce projet de Bercy, les grandes surfaces ont fait part de leur intérêt. A commencer par l’enseigne Leclerc.
Sur son blog, Michel-Edouard Leclerc a ainsi confirmé ce lundi qu’il pourrait vendre les médicaments «20 à 25% moins chers» que dans les pharmacies. Et cette évolution ne précipiterait pas leur perte. Au Portugal et en Italie, l’ouverture à la concurrence n’aurait, selon lui, entraîné ni disparition des pharmacies, ni surconsommation de médicaments. C’est pourtant bien ce que redoutent les spécialistes.
«Des risques non-négligeables à la banalisation des médicaments»
Même si Michel-Edouard Leclerc assure que la vente de médicaments dans un supermarché serait encadrée par un docteur en pharmacie, Michel Mallaret rappelle qu’il y a «des risques non-négligeables à la banalisation des médicaments». En plus de l’intoxication chronique, et du risque lié à «l’interaction avec d’autres médicaments», le spécialiste souligne qu’au Royaume-Uni, «le paracétamol est impliqué dans plusieurs cas de suicides». Alors, même si ce cas ne se retrouve que très rarement en France, Michel Mallaret assure que «le risque est accru si le médicament est facile d’accès».
Plus généralement, le spécialiste craint une hausse de la consommation de médicaments s’ils venaient à être disponibles dans les rayons des grandes surfaces. «L’objectif des grandes surfaces est de faire consommer plus», lance à son tour Gilles Bonnefond, avant de rappeler que «le médicament n’est pas un produit banal»: «Mal utilisé, c’est une catastrophe». Alors le président de l’USPO n’entend pas rester passif devant ces propositions. «On ne va pas se laisser donner des leçons de santé par un avocat», lâche-t-il. «Il faut avoir des compétences en santé pour intervenir sur ce dossier».
En décembre dernier, après les déclarations de l’Autorité de la concurrence, Marisol Touraine, ministre de la Santé, s’était opposée à la fin du monopole des pharmacies. Contacté par 20 Minutes, le ministère de la Santé a tenu à préciser que le rapport de l’Inspection des finances est «un document administratif qui n’engage pas le gouvernement». Il a par ailleurs indiqué que la ministre était «favorable à une modernisation des pratiques dans l’intérêt de la sécurité sociale et des patients» et rappelé ses deux priorités. En même temps que «limiter la consommation de médicaments en France», Marisol Touraine souhaite «encadrer les prix». Et de conclure: «Ces évolutions se feront dans le respect du principe du monopole officinal sur les médicaments (…) qui ne sont pas des biens de consommation comme les autres.» De quoi rassurer les pharmaciens.