Guillaume Allègre: «Il faut réformer le RSA»

INTERVIEW Guillaume Allègre, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques, fait le bilan du dispositif cinq ans après sa naissance...

Propos recueillis par Delphine Bancaud
Une personne présente les brochures informant sur le RSA (revenu de solidarité active) mises à la disposition des usagers dans un centre de la CAF (Caisse d'allocations familiales) à Paris le 04 juin 2009.
Une personne présente les brochures informant sur le RSA (revenu de solidarité active) mises à la disposition des usagers dans un centre de la CAF (Caisse d'allocations familiales) à Paris le 04 juin 2009. — Francois Guillot AFP

Un anniversaire en demi-teinte. Ce dimanche le Revenu de solidarité active (RSA) aura cinq ans. A l’origine, ce dispositif a été imaginé pour lutter contre la pauvreté et pour inciter les allocataires de minima sociaux à reprendre un emploi. Le RSA comprend donc deux parties: le RSA socle, un revenu minimum pour les personnes sans ressources qui a remplacé le RMI, et le RSA activité qui complète un petit salaire. Mais le dispositif n’a pas rempli toutes ses promesses, selon Guillaume Allègre, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques.

Le RSA est insuffisamment réclamé par les plus démunis. Pour quelles raisons?

Fin décembre 2013, le RSA était versé à près de 2,3 millions de foyers de France: 1,5 million de foyers percevaient le RSA socle, 505.000 le RSA d’activité et 253.000 un mix des deux. Mais le taux de non-recours atteignait 25 % pour le RSA socle et 66 % pour le RSA d’activité. Car pour réclamer le RSA socle, il faut auparavant avoir fait valoir ses droits à d’autres prestations (pension alimentaire…). Du coup, certaines personnes qui seraient éligibles à cette aide renoncent à la demander. Concernant le non-recours massif au RSA d’activité, il s’explique par la méconnaissance du dispositif. Car beaucoup de Français s’imaginent encore que le RSA est équivalent à l’ancien RMI. Un employé au Smic qui a des enfants et dont la femme ne travaille pas, ne s’imagine pas qu’il peut solliciter cette aide.

Du coup, est-il parvenu à réduire la pauvreté?

Le RSA socle remplit bien sa mission de filet de sécurité pour les plus démunis. Mais le faible recours au RSA d’activité ne permet pas de réduire la pauvreté des personnes qui occupent des emplois très précaires.

Le RSA d’activité a-t-il incité des allocataires à reprendre un travail?

Non, car le manque d’incitation financière n’est pas le principal obstacle à la reprise d’emploi. Les Français ont bien conscience de leur intérêt à travailler plutôt que de rester chez eux en touchant le RSA. S’ils ne travaillent pas, c’est en premier lieu parce qu’il n’y a pas assez d’emploi. Ensuite, en raison de problèmes de santé, de transport ou de formation. Le seul public sur lequel le RSA d’activité a eu un impact positif est celui des parents isolés le plus souvent des mères isolées. Car avant le dispositif, reprendre le travail pouvait leur coûter réellement plus que de ne pas travailler (en raison des frais de garde, des coûts de transport…). Le fait de pouvoir cumuler RSA socle et le fruit de leur activité a rendu la reprise d’emploi intéressante financièrement pour eux.

Le gouvernement Ayrault souhaite revaloriser le RSA de 10 % d’ici à 2017, quel en sera l’impact?

Cela va permettre de réduire l’intensité de la pauvreté. Car rappelons que le RSA socle est de 475 euros.

Quelles seraient selon vous les autres mesures à prendre pour rendre le dispositif plus efficace?

Il faut réformer le RSA. Il ne doit pas être un dispositif hybride, d’une part un complément de revenu du travail et d’une autre part, un instrument de lutte contre la pauvreté des ménages. Car cela nuit à sa lisibilité et contribue au fait que les plus précaires ne le réclament pas. Il faut donc créer deux dispositifs distincts. Parallèlement, il faut que l’administration lutte contre le non-recours: lors du contrôle des déclarations de revenus, lorsque le fisc se rendrait compte qu’une personne éligible au RSA ne l’a pas réclamé, il pourrait le signaler à la CAF afin qu’elle le verse rétroactivement. Il faut aussi simplifier les démarches.