Lumière, musique, parfum: Comment les magasins nous mettent dans l'ambiance

Claire Planchard
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Dans le centre commercial Parly 2 (Yvelines) géré par Unibail-Rodamco, dont la signature olfactive a été réalisée par Sevessence.
Dans le centre commercial Parly 2 (Yvelines) géré par Unibail-Rodamco, dont la signature olfactive a été réalisée par Sevessence. — Unibail-Rodamco

«Expérience client». A l’heure de la crise et du boom du commerce en ligne, les responsables de boutiques, grandes surfaces ou centres commerciaux n’ont que ce mot à la bouche. En clair, si le produit peut être acheté à distance, il faut que le client trouve plus en magasin: une atmosphère, un confort, une émotion même, qui lui donnent envie d’acheter leur marque et de revenir.

Une lumière qui sublime

Lumière tamisée, chaude ou colorée. «La lumière a toujours été une part importante de l’identité visuelle de la marque mais ce qui a fait évoluer ce media pérenne ce sont les nouvelles technologies comme les LED, qui permettent d’affiner et de faire évoluer la lumière en fonction de l’heure de la journée», explique Guy Hausermann, PDG de l’agence de communication multisensorielle Audiadis. 

«Aujourd’hui, dans le prêt-à-porter, il y a deux grandes écoles en matière d’écriture lumineuse: une élitiste où le client déambule dans une ambiance hypersombre où quelques produits sont éclairés et une autre qui favorise le confort visuel et se rapproche des vraies couleurs», résume Luc Dol, président du Club Enseigne & Innovation. Et la grande distribution n’est pas en reste. «Grâce à des réglages lumineux par ordinateur, on est aujourd’hui capable de rendre une salade plus fraîche», constate Sophie Lubet, la directrice d’Equipmag, , le salon professionnel du point de vente.

Jouer sa propre petite musique

La sonorisation des points de vente aussi se professionnalise. Exit le CD de la vendeuse qui tourne en boucle sur une chaine hi-fi.«Les marques prennent conscience que la programmation musicale est un media puissant qui va positionner le magasin avec ses valeurs, et veulent donc l’harmoniser», note le PDG d’Audiadis. Ce sont alors des DJ qui élaborent des playlists hyperciblées en fonction de l’identité de la marque et de ses objectifs commerciaux, mais aussi de la clientèle de chaque tranche horaire. Résultat: «Du costaud et un univers musical rassurant» pour le leader de la distribution de proximité Système U, ou un «tempo dynamique et une musique rafraîchissante» pour Grand frais, une chaîne de produits frais destinée aux professionnels, raconte Guy Hausermann. 

D’autres enseignes vont plus loin en créant leur propre «identité sonore». «A l’image d’un designer graphique, on compose une musique qui correspond à la marque et on la décline ensuite sur tous ses supports de communication, des publicités au standard téléphonique», raconte Adrien Saint Olive, fondateur de Rock My Logo. Un travail d’imprégnation inconsciente aujourd’hui renforcé par des nouvelles technologies, comme des enceintes directionnelles permettant de diffuser une musique à un endroit précis du magasin, où même à travers la vitrine  à l’instar du dispositif Feonic utilisé par Gap fin 2012.

Un parfum entêtant

Faire saliver le client avec une bonne odeur de viennoiseries, les boulangers usent du filon depuis bien longtemps. S’il a encore cours dans certaines grandes surfaces, ce marketing olfactif à  grosses ficelles est bien dépassé. «On ne cherche plus à retraduire une senteur pour faire consommer plus mais à ancrer une enseigne de façon définitive dans un environnement émotionnel, ce que seule l’olfactif permet», explique Guy Hausermann. «C’est un marché qui reste encore basique et dominé par le concept un peu galvaudé de "parfum d’ambiance" mais depuis 2-3 ans, il y a une tendance de fond vers des vrais parfums construits et de qualité qui correspondent à l’ADN d’une marque», explique Clément Jeanjean, PDG de Scentys,  qui a notamment signé l'«empreinte olfactive» de Vacheron Constantin, mais a aussi planché pour le rayon fourniture scolaire de Monoprix sur un parfum inspiré de la colle Cléopâtre.

«L’objectif n’est pas de manipuler ou de kidnapper le client: même si un consommateur qui se sent bien aura un peu plus d’élasticité sur son porte-monnaie, on cherche avant tout à créer un attachement à la marque avec un parfum reconnaissable du premier coup», souligne Helen Lalitte, directrice générale de Sevessence, spécialiste des signatures olfactives naturelles et bio, choisi notamment par les centres commerciaux Unibail-Rodamco en France. Une odeur qui vous titillera parfois dès le seuil du magasin et qui vous suivra aussi chez vous, grâce aux sprays utilisés pour parfumer votre sac.