Mathieu Plane, de l'OFCE: «La taxe a 75% pour les entreprises est intéressante»
Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), revient pour 20 Minutes sur l’intervention télévisée de François Hollande…
La prestation de François Hollande n’a pas convaincu les éditorialistes. Et vous, en tant qu’économiste, qu’en avez-vous pensé?
Elle était sans surprise. Il a surtout énuméré les différents instruments déjà mis en place. François Hollande a une forme de lucidité quant à la situation économique du pays, mais sa ligne n’est pas très claire. D’un côté, il dit que l’austérité a ses limites mais de l’autre, il maintient les mêmes objectifs en matière de déficits publics. Or, si les impôts n’augmentent plus en 2014, il va falloir trouver 20 milliards d’euros d’économies dans les dépenses publiques, et il s’agit bien là d’austérité…
Quelle annonce retenez-vous?
Sans doute la taxe à 75% pour les entreprises. Il va être très intéressant d’observer comment les actionnaires vont réagir. Seront-ils prêts à accorder des rémunérations supérieures à 1 million d’euros –ce qui coûtera donc très cher aux entreprises- ou vont-ils chercher à les limiter? Et qu’en diront les dirigeants? Evidemment, cette mesure ne changera pas la situation économique de notre pays, elle est davantage symbolique, mais à l’heure de la crise et des écarts grandissants de salaires, je me dis, pourquoi pas?
Revoir les allocations familiales pour les hauts revenus, cela vous semble pertinent?
Il faut voir comment cette réforme sera faite, et avec quels plafonds. Il est impossible de se prononcer pour l’instant.
François Hollande a proposé un déblocage exceptionnel de la participation, ce qui concernerait 4 millions de Français. Comment jugez-vous cette annonce?
Ce n’est pas nouveau: Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était ministre de l’Economie, l’avait déjà fait. Et cela avait eu peu d’effet sur la consommation. Il y a aussi le risque que les salariés retirent leur participation pour la placer dans leur assurance-vie ou leur Livret A, et retirer de l’argent aux entreprises pour le mettre à la banque, ce n’est pas bon pour l’économie.
Le président continue d’affirmer que le chômage baissera à la fin de l’année. Cela vous paraît possible?
Non, et il me semble également compromis que la tendance s’inverse en 2014. D’après nos calculs, le déficit public s’élèvera à 3,8% en 2013. Pour atteindre 3% en 2014, il faudra donc le faire diminuer de 0,8 point de PIB. C’est quasiment autant qu’en 2013 (1 point de PIB de baisse). Cette réduction est trop forte pour ne pas freiner la croissance, et sans croissance, la courbe du chômage ne peut pas s’inverser.
Quelle annonce manque-t-il d’après vous?
Le problème, c’est que François Hollande ne peut pas annoncer grand-chose parce qu’il n’a aucune marge de manœuvre. La France a fait des efforts considérables, la Commission européenne le constate d’ailleurs, mais pour pouvoir agir maintenant, il faut en finir avec les objectifs fixés en termes de déficit public.
Le dernier rapport de l’OCDE montre qu’en 2014, la France atteindra 3% de déficit public, dont 0,4% de déficit structurel. Ce qui signifie que la majorité du déficit –soit 2,6%- est liée à la conjoncture! C’est une situation très différente de celle de 2008. A cette époque, le déficit public français était intégralement d’ordre structurel.
Si j’étais François Hollande, voilà ce que je ferais: je convaincrais l’Europe d’adopter la notion de déficit structurel, et d’abandonner celle de déficit public, qui n’a aucun sens économique. Sans cela, nous risquons de mourir guéris.