Les «minijobs» critiqués dans une Allemagne qui doute de son modèle social

SOCIAL Ces contrats ont notamment été accusés d'alimenter une «bombe à retardement» en condamnant les salariés durablement employés sous ce dispositif à des retraites dérisoires...

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Plus de 7 millions d'Allemands sont employés dans des "minijobs", mais ces contrats précaires, peu rémunérés et dispensés de charges sociales sont de plus en plus montrés du doigt dans une Allemagne qui s'interroge sur la face obscure de son succès économique.
Plus de 7 millions d'Allemands sont employés dans des "minijobs", mais ces contrats précaires, peu rémunérés et dispensés de charges sociales sont de plus en plus montrés du doigt dans une Allemagne qui s'interroge sur la face obscure de son succès économique. — Arne Dedert afp.com

Plus de 7 millions d'Allemands sont employés dans des «minijobs», mais ces contrats précaires, peu rémunérés et dispensés de charges sociales sont de plus en plus montrés du doigt dans une Allemagne qui s'interroge sur la face obscure de son succès économique.

Ces contrats ont notamment été accusés d'alimenter une «bombe à retardement» en condamnant les salariés durablement employés sous ce dispositif à des retraites dérisoires.

Pour répondre aux critiques, le gouvernement d'Angela Merkel a relevé au 1er janvier le plafond de rémunération de ces emplois, de 400 à 450 euros par mois, et les minijobs signés après cette date seront soumis aux cotisations retraite, sauf si les salariés y renoncent expressément.

Mais pour Dorothea Voss, chercheuse à la fondation Hans-Böckler, proche du syndicat DGB, cette mesure ne fait qu'aggraver le problème en «renforçant une forme d'emploi, catastrophique du point de vue de la protection sociale, et qui ne permet pas de vivre décemment».

Avec le nouveau règlement, les minijobbers «vont certes pouvoir cotiser pour une retraite, mais très faible. Encourager ce genre de contrat, c'est programmer (à terme) une vague de pauvreté chez les seniors», prévient-elle.

Les minijobs, créés dans les années 1970, se sont fortement développés après les grandes réformes du chancelier social-démocrate Gerhard Schröder entre 2003 et 2005.

Leur nombre atteignait 7,4 millions fin septembre 2012, sur une population active de 42 millions de personnes. Ils sont l'un des symboles de la flexibilisation du marché du travail en Allemagne, où le taux de chômage a chuté à 6,5% après un pic à 11,5% en avril 2005.

On les soupçonne toutefois d'avoir prospéré au détriment des emplois soumis à cotisation, comme l'a récemment suggéré une étude d'un institut de recherche qui dépend de l'agence allemande pour l'emploi.

Cette étude pointait le recours massif aux minijobs dans les petites entreprises et des secteurs comme la restauration (34% des salariés) ou la distribution (23%).

Dans ces entreprises, il s'agit très majoritairement de postes peu qualifiés. «C'est dans les minijobs que l'on trouve la plus haute proportion de bas salaires» horaires, d'autant que les minijobbers sont souvent moins payés que les autres salariés à fonction égale, dénonce Mme Voss.

Selon le DGB, les trois quarts touchent moins de 8,5 euros net par heure, et parfois même moins de 5 euros...

La question de la pauvreté a été choisie par l'opposition sociale-démocrate (SPD) comme cheval de bataille pour la campagne des législatives prévues en septembre. Le SPD promet de créer un salaire minimum universel de 8,5 euros s'il arrive au pouvoir.

Mais le sujet préoccupe aussi au sein du gouvernement allemand. La ministre de la Famille, Kristina Schröder, s'est émue début janvier des faibles perspectives d'accès à un meilleur emploi pour les minijobbers, notamment les femmes qui en représentent les deux tiers.

Les minijobs ne sont que «dans des cas rarissimes» un tremplin, «on constate que les gens n'en sortent pas», a-t-elle déploré.

Ces emplois permettent néanmoins à des personnes d'améliorer leurs conditions matérielles, plaide Holger Schäfer, économiste de l'Institut de l'Economie allemande (IW), proche du patronat.

«On ne peut pas vivre que des minijobs (mais) un chômeur indemnisé qui a un minijob est moins en danger de paupérisation qu'un chômeur sans minijob», explique-t-il.

Cette forme d'emploi est utile comme revenu complémentaire, cumulé avec l'allocation de chômage longue durée (Hartz IV), ou pour une épouse dont le mari assure l'essentiel des revenus du ménage, argumente-t-il.

Selon M. Schäfer, l'appétit des chefs d'entreprises pour les minijobs ne s'explique «pas tant (par) leur coût moindre que par une flexibilité plus grande», notamment dans les démarches administratives --une simple feuille A4 suffit pour déclarer un salarié-- et dans le choix des horaires, calés sur les heures d'activités intenses.