Des jeux à ranger dans la catégorie « art et essai »« Journey », trip impressionniste
« En vérité, la vie est bien brève, le rêve bien long », écrivait le poète symboliste Jules Laforgue au XIXe siècle. « Journey » est le prolongement d'un rêve entamé par la société de développement Thatgamecomany. En 2009, elle avait déjà réalisé « Flower » : le joueur faisait souffler le vent sur des pétales de fleurs. Mais les formes peuvent se faire encore plus abstraites comme dans « Child of Eden » où mouvements, couleurs et sons s'interpellent. Parfois le rêve se fait cauchemar comme dans le jeu de plate-forme « Limbo » : un garçon traverse un monde monochrome et morbide, hypnotisant. La poésie s'appuie aussi sur des univers graphiques cocasses, à l'image du « Machinarium », point and click aux robots biscornus. Le point commun de ces titres ? Sans paroles, ils expriment des émotions.J. M.Zen. « Journey » (disponible en téléchargement sur la PS3) propose, en deux heures, un conte muet, libre à chacun de l'interpréter. On se réveille avec un personnage en cape rouge et étole, qui fixe une montagne d'où s'échappent des sortes de comètes. Apparemment, il souhaite l'atteindre. Sans indication, le joueur est invité à prendre le contrôle de cette figure, qui s'exprime en sonorité musicale et de la guider à travers un mystérieux périple.
Musique somptueuse
Sur son chemin, ce personnage virevolte entre des temples à l'abandon, des stèles sculptées de hiéroglyphes, des paysages désertiques et pourtant chargés d'émotion. Malgré la présence de créatures hostiles et imposantes et de quelques obstacles comme le vent ou la neige, pas de Game Over. Il s'agit d'avancer, de s'élever dans les airs parmi des bandes de tissu flottantes aux singulières diaprures.
Mais « Journey » n'est pas pour autant une odyssée silencieuse. L'environnement réagit au son produit par le personnage. Et surtout ce jeu vidéo s'accompage d'une bande sonore envoûtante créée par Austin Wintory. Sans recourir à des instruments traditionnels, mais avec un orchestre symphonique, elle réussit à restituer des atmosphères tantôt africaines ou orientales, selon qu'on glisse sur les dunes ou évolue dans l'eau. C'est elle qui raconte l'histoire.