Une communication de crise mal gérée pour Guerlain

POLEMIQUE La maison n'a réagi que tardivement aux propos racistes de son fondateur...

Sandrine Cochard
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La boutique Guerlain sur les Champs-Elysées à Paris, le 25 septembre 2010
La boutique Guerlain sur les Champs-Elysées à Paris, le 25 septembre 2010 — AFP / THOMAS COEX

Avant de condamner la sortie raciste de Jean-Paul Guerlain, la maison du  même nom s’est laissée le temps de la réflexion. 72 heures précisément,  soit trois jours. Un laps de temps très long en situation de crise qui a laissé la  polémique prendre une ampleur internationale. Retour sur une  communication tardive.

Premières réactions sur Twitter

Vendredi 15 octobre. Jean-Paul Guerlain est l’invité des «5 dernières  minutes» qui concluent le journal télévisé de 13h, sur France 2. Face à  Elise Lucet, l’ancien directeur de la maison familiale lâche une bombe.  «Pour une fois, je me suis mis à travailler comme un Nègre… Je ne sais  pas si les Nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin…»,  déclare-t-il devant une journaliste muette (celle-ci a finalement  expliqué son silence vendredi dernier, affirmant ne pas avoir «entendu»).

Les premières réactions fusent aussitôt sur le très réactif réseau  Twitter et dénoncent «les effluves nauséabondes de M. Guerlain», «ses  relents de racisme colonial» ou encore sa «grosse sortie raciste».  Jean-Paul Guerlain présente ses excuses le soir même.  Cela ne suffit pas. La polémique enfle tout le week-end, plusieurs  associations anti-racisme, dont le Cran et SOS Racisme, attendant une  prise de position ferme de la marque Guerlain et de LVMH, qui possède  l’enseigne depuis 1994.

Prendre ses distances

Il faut attendre le lundi 18 octobre pour entendre la voix de Guerlain, via sa page Facebook notamment.  Le mot d’ordre est clair: prendre ses distances avec l’ancien directeur  en insistant sur les liens qui ne les unissent plus. «Jean-Paul  Guerlain n’est plus salarié ni actionnaire de la société», précise le  communiqué. Puis, plus loin: «La société Guerlain ne ressemble en rien  aux propos tenus par Jean-Paul Guerlain.» Trop tard, la journaliste  Audrey Pulvar, rapidement montée au créneau, est plus prompte à réagir que la maison Guerlain.

Quant au groupe LVMH, il a laissé le soin à sa filiale de gérer cette  communication de crise. Devant la polémique qui se poursuit et la  multiplication des appels au boycott, le groupe tente de reprendre la main, vendredi. Soit après une semaine de controverse.

Eteindre le feu

LVMH se défend de tout mutisme et affirme «qu'il a toujours condamné  vigoureusement toute forme de racisme, quelle qu'en soit l'expression»,  qu'il «s'est déjà exprimé clairement» sur les propos de Jean-Paul  Guerlain, «par la voix de sa filiale à 100% la société Guerlain,  directement concernée».

Mais il est difficile d’éteindre un feu qu’on a laissé brûler si  longtemps. Samedi, une centaine de personnes ont manifesté devant la  boutique Guerlain des Champs-Elysées tandis que la ville de Montpellier a  fait savoir qu’elle n’accueillerait pas la manifestation Guerlain qui  devait se dérouler du 1er au 6 novembre. Cette communication tardive –  et non maîtrisée – n’a pas permis d’étouffer la polémique qui alimente  encore la presse ce lundi avec la tribune publier par Le Monde: «Faut-il  être noir pour s'offusquer des propos de Jean-Paul Guerlain?» Le feu  est loin d’être éteint.