Jeux (de société), set et match… Quand le jeu se joue en tournois

Jeux en société (3/5) Les éditeurs de jeux de société et communautés de joueurs organisent régulièrement des tournois et championnat de jeux

Benjamin Chapon
Un tournoi du jeu Ark Nova en avril 2022
Un tournoi du jeu Ark Nova en avril 2022 — Super Meeple
  • Le Festival international des jeux se tient à Cannes de vendredi à dimanche dans un contexte de succès populaire croissant pour le secteur du jeu de société.
  • A cette occasion, 20 Minutes consacre une série d’articles sur le monde du jeu et les questions qui l’animent.
  • Aujourd’hui, nous partons à la découverte d’une tendance méconnue du jeu de société, à travers trois portraits de compétiteurs qui sont champions de leurs jeux respectifs.

Parmi la foule d’événements qui se déroule en marge du Festival International des jeux à Cannes, il y a… les tournois de jeux de société. Plus ou moins officielles, ces compétitions rassemblent parfois des centaines (ou des milliers) de joueurs autour d’un jeu. L’édition 2023 du FIJ est notamment marquée par la finale nationale du tournoi de Ark Nova. Le jeu expert de l’année a fédéré une communauté de joueurs acharnés. A tel point que l’éditeur du jeu Super Meeple a choisi d’accompagner cet engouement avec une série de tournois dans plusieurs villes de France, avant une grande finale à Cannes.

A part quelques goodies et une gloire éternelle, les joueurs n’ont pas grand-chose à gagner. Pourtant, ils sont nombreux à s’inscrire à ces tournois qui, parfois, prennent une forme plus officielle. Méconnue du grand public, cette pratique est pourtant courante. 20 Minutes est allé à la rencontre de trois champions de jeux de société pour saisir la beauté du jeu en mode Tournoi.

Frédéric Meunier, champion de « Catan »

« Ce qui m’a tout de suite surpris sur les tournois de jeux de société, c’est le public. Il y a des gens qui viennent voir d’autres gens jouer. Mes enfants aussi regardent d’autres personnes jouer, mais à des jeux de vidéo, sur Twitch. J’ai découvert l’existence d’un championnat de Catan à Parthenay (Deux-Sèvres). C’est un village où se tient chaque été un super festival de jeu où je vais souvent. On peut essayer plein de jeux dans une super ambiance. Je me suis inscrit à un concours de Catan sans savoir que c’était pour un championnat de France. J’avais joué à ce jeu, très connu chez les petits joueurs occasionnels, seulement trois ou quatre fois. J’ai gagné et donc j’ai été invité au championnat du monde, à Malte. Je me suis pris au jeu, c’est le cas de le dire. Je me suis quand même un peu préparé même si je ne voulais pas y investir trop de temps. J’ai essayé de faire d’autres parties avec différents joueurs pour essayer d’autres stratégies. Mais jouer en championnat, en enchaînant les parties, c’est quand même particulier. A Malte, j’ai fini 50e sur 90. Un truc comme ça…

Si on m’invite encore à des championnats, j’irai, parce que c’est l’occasion d’un chouette séjour. Mais Catan est loin d’être mon jeu préféré. Je préfère Splendor. Ou alors des gros jeux bien longs comme Terra Mystica. »

Philippe Pinoli, triple Champion de France de « Monopoly »

« L’aspect compétitif du jeu, je suis tombé dedans en 2015, à Cannes, pour les qualifications pour les championnats du monde. J’avais fait des championnats de Magic avant. Après ça, je suis allé au championnat du monde et j’ai proposé d’organiser les championnats de France l’année suivante. Chaque année, je rassemble plus de 1.000 joueurs. C’est quand même pas mal… Je sais que ça étonne encore pas mal de monde que ce genre de compétitions existent parce que les gens pensent que le Monopoly, c’est un loisir. Mais nous, quand on joue, on est sur un mode beaucoup plus agressif. Le but est de ruiner son adversaire, on ne laisse pas gagner les enfants… Comme le Monopoly est un jeu très populaire chez les non-joueurs, les gens ont inventé des règles maison qui faussent le jeu. Et ils s’en servent pour jouer à la marchande et apprendre aux gosses à compter. Mais en vrai, Monopoly, c’est un jeu expert, avec très peu de hasard. Contre moi vous n’avez aucune chance de gagner.

En tournoi, il y a des règles pour accélérer les parties et réduire le hasard. Déjà, si on respecte les règles normales, une partie de Monopoly se joue en une heure. En tournoi, les meilleurs jouent en quarante minutes. Et il n’y a pas de chance. Moi je compte les résultats de dés pour les gens qui chouinent "ouin ouin j’ai pas de chance aux dés". C’est une excuse de loser la chance.

Monopoly est un jeu intéressant pour la compétition parce qu’il y a une tension. Il ne peut y avoir de tournoi de La bonne paye par exemple…  »

Samir Bachar, champion de « Yu-Gi-Oh ! »

« Yu-Gi-Oh ! est un jeu de cartes à collectionner qui s’inspire d’un manga et d’un animé assez célèbre dans les années 2010. Moi, je suis tombé dedans à la fin du collège, quand l’animé était à la mode. Je jouais dans la cour, à la récré. Assez vite, j’ai cherché à optimiser mes decks de cartes. Je suis devenu le meilleur de mes copains donc, pour trouver des adversaires, j’ai commencé les tournois. Depuis deux ou trois ans, je fais ça à fond, mais pas à plein temps. Certains gros joueurs, c’est devenu leur métier, ils vivent avec les primes des tournois qui peuvent aller jusqu’à 50.000 euros pour le gagnant. Moi j’ai gardé un métier à côté, pour ne pas dépendre de Yu-Gi-Oh !.

Je fais des compétitions par passion et aussi pour rembourser mes frais. A ce jeu, il faut sans cesse acheter des nouvelles cartes pour ne pas être largué. Moi je dépense au moins 500 euros par an, pour rester au niveau. Surtout, il faut se tenir au courant, très vite. Quand une nouvelle extension sort – souvent la veille d’un gros tournoi –, il faut tout de suite en apprendre les nouvelles cartes. Sinon, on est sûr de perdre, même si on est un bon joueur. C’est cruel…

L’aspect ultra-compétitif du jeu, en plus du fait que l’animé est complètement fini, fait qu’il y a assez peu de nouveaux joueurs. C’est difficile de s’y mettre aujourd’hui en partant de zéro. Le jeu n’a fait que se complexifier. Au très haut niveau, il n’y a pas beaucoup de renouvellement. Heureusement, il y a pas mal de youtubeurs qui font vivre la passion autour du jeu. Ce qui est marrant, c’est que les nouveaux joueurs, ils ne connaissent même pas l’animé ! »