Victoires de la musique 2023 : La Belgique pourrait donner une bonne leçon à la chanson française

MUSIQUE Stromae et Angèle sont les artistes comptant le plus de nominations à la cérémonie des Victoires 2023, qui se tiendra ce vendredi soir. Le reflet de l’efficacité de la méthode et de l’état d’esprit belges

Fabien Randanne
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Les Belges Pierre de Maere, Stromae et Angèle figurent parmi les artistes comptant le plus de nominations aux Victoires de la musique 2023, avec respectivement deux, quatre et trois citations.
Les Belges Pierre de Maere, Stromae et Angèle figurent parmi les artistes comptant le plus de nominations aux Victoires de la musique 2023, avec respectivement deux, quatre et trois citations. — Montage 20 Minutes, Marcin Kempski, Fred Tanneau AFP et Valery Hache AFP
  • La cérémonie des Victoires de la musique 2023 sera retransmise ce vendredi, en direct, sur France 2, dès 21h10.
  • Avec respectivement quatre et trois nominations, Stromae et Angèle sont les artistes les plus cités. Le compteur belge passe à dix si l’on ajoute les nominations de Pierre de Maere et Mentissa. La création belge sera donc particulièrement à l’honneur.
  • « On ne se met pas de barrière musicalement parlant, affirme Mentissa. L’artiste belge a dans son ADN le fait de faire ce dont il a envie, sans suivre les tendances. »

Les Victoires de la musique auront un fort accent belge ce vendredi. Stromae et Angèle dominent la liste des nominations de cette 38e édition avec respectivement quatre et trois citations chacun. Ils concourent notamment pour le trophée du meilleur album et pour ceux du meilleur et de la meilleure artiste. Le compteur passe à dix si l’on ajoute les deux nominations de Pierre de Maere et celle de Mentissa, qui ont de fortes chances de s’imposer parmi les révélations.

Certes, depuis sa création, en 1985, la cérémonie a déjà récompensé des artistes venus de Belgique. Maurane, Axelle Red, Natasha Atlas, Lara Fabian, entre autres, ont trouvé leur place au palmarès et Stromae a été salué pour sa part à cinq reprises. Mais cette édition 2023, qui sera retransmise sur France 2, se soldera peut-être par une razzia wallonne inédite. Au minimum, le made in Belgium sera mis en valeur.

Car oui, la belgitude est une marque de fabrique. « Je rangerais Mentissa un peu à part car elle s’inscrit dans la catégorie des chanteuses à voix et ça, c’est dans l’esprit des Victoires. Mais je vois un lien évident entre Stromae, Angèle et Pierre de Maere. Ils ont une vraie proposition de "personnages", avec une scénographie, un parti pris vestimentaire, le sens du happening », estime Thomas Pawlowski, auteur du livre Les 1000 chansons préférées des Français édité chez Glenat. « Les trois sont originaires de Bruxelles ou ses environs, poursuit le spécialiste de la chanson française. C’est une ville cosmopolite et ces différentes influences se retrouvent dans la production musicale. »

 « Je ressens vraiment l'influence de Bruxelles - son état d'esprit, sa météo, les gens qui y vivent...- sur ma musique. En tant que chanteuse, je suis bruxelloise », confiait ainsi Angèle à 20 Minutes il y a deux ans, lors de la sortie de son album Nonante-Cinq.

« On s’en fout, on fait les trucs, on essaye »

« On ne se met pas de barrière musicalement parlant, nous affirme Mentissa. Quand des artistes français viennent faire de la musique en Belgique, on se rend compte de nos spécificités. Nous, on se dit : "On s’en fout, on fait les trucs, on essaye." L’artiste belge a dans son ADN le fait de faire ce dont il a envie, sans suivre les tendances. » La chanteuse de 23 ans prend l’exemple de Stromae : « Il est venu avec son propre style et ça a marché. »

Multitude, le dernier opus à succès de Stromae se distingue effectivement par son mariage de sonorités. Les airs de cumbia rencontrent les polyphonies des îles, les percussions du Sud-Est asiatique côtoient le clavecin, et la chanson à texte s’habille d’électro.

Pierre de Maere note qu’avec l’album Racine Carrée, sorti en 2013, « Stromae est parvenu à mettre tout le monde d’accord », c’est-à-dire à réunir la frange branchouille et le grand public autour de Formidable et Papaoutai. Il développe : « En France, généralement, soit un artiste à l’étiquette France Inter, soit l’étiquette NRJ. C’est rarissime de voir un projet qui allie les deux alors que, aux Etats-Unis, il est fréquent que des albums novateurs et bien foutus soient aussi hyper mainstream, comme ceux de Billie Eilish ou Kendrick Lamar. » L’artiste de 21 ans, dont le premier album, Regarde-moi, est sorti fin janvier, a la même ambition fédératrice : « Je ne dis pas que ça arrivera demain. Mais si ça arrive dans dix ans, je pense que j’aurais réussi quelque chose. »

« On est moins scolaires qu’en France »

Porté par le tube Un jour je marierai un ange, Pierre de Maere a déjà réussi, en quelques mois, à faire connaître son style au plus grand nombre. Il aime le « drama » et cela se ressent dans son opus, qu’il qualifie de « généreux en émotions ». « J’aime bien cette passion. Je trouve qu’en France, ça manque, il y a une tendance à être blasé. Moi, j’ai envie d’être enthousiaste et de donner beaucoup plus que ce qu’il faut. »

Les artistes français auraient donc beaucoup à apprendre de leurs voisins ? « Les Belges sont un peu des fous. Ils osent et je pense que c’est ça qui plaît, diagnostique Mentissa. Dans la mentalité belge, il y a une nonchalance dans le bon sens. » « Je ne suis pas sociologue mais - à force de le dire, ce ne sera plus vrai - on ne se prend pas tellement au sérieux en Belgique, reprend Pierre de Maere. On est peut-être moins scolaire qu’en France. Il y a une forme de spontanéité et de naïveté qui permet des "accidents heureux". On n’est jamais à l’abri d’un truc frais et nouveau en travaillant comme ça. » A bon entendeur…