Bordeaux : « Ici on peut toucher », le musée d’Aquitaine adapte son parcours pour les non-voyants

Inclusion Quelque 29 bornes tactiles ponctuent les collections permanentes de l’établissement

Elsa Provenzano
Nicolas Caraty est médiateur culturel du musée et lui-même non-voyant.
Nicolas Caraty est médiateur culturel du musée et lui-même non-voyant. — E.Provenzano
  • Le musée d’Aquitaine de Bordeaux a inauguré ce mercredi des aménagements sous la forme de bornes tactiles pour les visiteurs en situation de handicap et les autres.
  • Quelque 29 stations permettent notamment de toucher des reproductions d’œuvres, elles sont complétées par des textes en braille et de l’audiodescription.
  • Une évaluation de l’impact de ces nouveaux dispositifs sur les visiteurs est programmée au printemps.

Rien à voir avec un petit carré adapté aux personnes en situation de handicap, perdu au milieu d’un musée classique. Ce mercredi, quelque 29 stations sensorielles, positionnées tous les 15 mètres environ dans le musée d’Aquitaine, à Bordeaux, donnant à toucher des reproductions d’œuvres, du texte en braille, et proposant des audiodescriptions ont été officiellement intégrées au parcours permanent. Elles viennent l’enrichir pour des personnes qui ont des problèmes (de vue, d’audition, de lecture, de compréhension ou de mobilité etc.) mais aussi pour tous les publics, dans un souci d' « accessibilité universelle », souligne Olivier Escots, adjoint au maire de Bordeaux chargé du handicap et de la lutte contre toutes les discriminations.

Dans le hall majestueux du musée, on trouve la première borne munie d’une reproduction en 3D de l’édifice qui propose un plan d’orientation. « Une personne comme moi ne sait pas où elle se trouve en y arrivant », pointe Nicolas Caraty, médiateur culturel du musée, lui-même non-voyant. Il expérimente depuis une dizaine d’années des dispositifs tactiles et a piloté la mise en œuvre de ces stations créées sur-mesure pour le musée, en lien avec une vingtaine de corps de métiers (céramiste, luthier, tailleur de pierre, etc.) Par la même occasion, un coup de projecteur est porté sur l’intérêt patrimonial du bâtiment du musée en lui-même. « A chaque fois on s’est demandé ce qu’on pouvait apporter en plus, à tous les visiteurs », souligne Laurent Vedrine, directeur du musée.

Des moulages au plus près des œuvres

Sur l’une des premières stations du parcours permanent du musée, qui relève le défi de balayer 400.000 ans d’Histoire, il y a par exemple une reproduction de la Vénus à la corne, qui a été réalisée par une tailleuse de pierre. Celle âgée de 25.000 ans trône derrière sa vitrine, tandis que sa copie peut être palpée et Nicolas Caraty après s’en être assuré peut témoigner qu’il s’agit « d’un moulage très proche » de l’original. Des outils de la Préhistoire ont aussi été reproduits (au plus près des matériaux d’origine quand cela est possible) et peuvent être pris en main, par tous et notamment les enfants. Pour les bijoux du trésor de Tayac, en Gironde, que le visiteur découvre un peu plus loin, les colliers d’or sont reproduits en laiton.

A chaque fois « des textes simples, écrits en gros caractères et avec des contrastes importants, mais avec les bonnes informations, pointe Nicolas Caraty. On sait que 18 % de la population française est en situation de handicap, c’est presque une personne sur cinq ». Une maquette géante de la ville de Bordeaux, à l’époque romaine où on l’appelait Burdigala, permet aussi de matérialiser les centres névralgiques de la ville de l’époque. « Elle est au top de la recherche scientifique actuelle », se félicite le directeur du musée d’Aquitaine.

Des copies ludiques pour différents publics

Un peu plus loin, une reproduction au 1/100 du Palais Gallien, un amphithéâtre de 22.000 places, a été confectionnée par Jacques Vogel, un passionné, qui a assemblé un million de pièces à la pince à épiler. Elle donne à voir une circulation des accès savamment orchestrée pour que les femmes et les esclaves ne croisent pas les classes sociales les plus élevées, qui s’installaient d’ailleurs en bas, au plus près de la scène. Avec ces aménagements, les témoignages de l’histoire ont un poids, une texture et parfois une odeur.

Une station met à l’honneur le vin de Bordeaux, avec la reproduction d’une amphore typique (qui tient debout toute seule) et différents échantillons à humer. Si certains visiteurs vont prendre un peu de temps à s’habituer au fait de pouvoir palper des objets d’art dans un musée, cette station ludique comme celle qui permet de tester des copies d’instruments de musique africains devraient faciliter les choses. Avec le soutien d’associations comme l’Unadev et apiDV, le musée d’Aquitaine propose au total 48 vidéos en langage des signes et 70 objets interprétés pour « raconter le musée », souligne Nicolas Caraty.

Les bornes sont déjà en place depuis plusieurs mois, car l’inauguration avait été reportée pour cause de Covid, mais il est encore difficile d’estimer son succès auprès des visiteurs. Une évaluation est programmée au printemps prochain.