Crocs, blagues salaces et techniciens flippés : On a suivi Gérard Depardieu sur le tournage de « Marseille »

REPORTAGE «20 Minutes» a passé une après-midi au Vélodrome, sur le tournage d’une des scènes de la saison 2 de Marseille. Avec Gégé Depardieu, donc...

Jean Saint-Marc
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Gérard Depardieu incarne le maire de Marseille.
Gérard Depardieu incarne le maire de Marseille. — Netflix
  • La saison 2 de la série «Marseille» sera disponible à partir du 23 février sur Netflix.
  • Nous avons suivi Gérard Depardieu sur le tournage de l'une des scènes, au Vélodrome de Marseille.

Le poncif pour qualifier Gérard Depardieu, c’est « monstre sacré ». La méchanceté, c’est « monstre » tout court. La vérité ? Un mec qui en impose, effectivement, et dès son entrée en scène - en l’occurrence sur le plateau de tournage de la série Marseille, en juin dernier. Pardon pour les points d’exclamation en série mais la ponctuation française n’est pas assez riche pour retranscrire les nuances des gueulantes depardiesques :

Oh la vache ! Y a du monde ! Bonjour tout le monde ! Bonjour ! Pardonnez-moi, je suis en retard… Je suis malaaaade !

Gérard Depardieu est débraillé, sa chemise grande ouverte. Une costumière lui passe une cravate, referme les boutons. Le voilà dans la peau de Robert Taro, ancien maire de Marseille, venu au Vélodrome assister à un match de l’OM. Tout ça se déroule en loge, dans la tribune présidentielle. Comme un soir de match, sauf que les petits fours sont en carton et que du Canada Dry remplace le champagne. Et qu’il y a des caméras et des écrans partout.

Le « cuissot » (?) la chatte (!) et Ridley Scott (…)

Gérard Depardieu est planté sur un tabouret de bar qu’il ne quittera pas (alors que la plupart des acteurs resteront debout). Il se lance dans une logorrhée à laquelle on ne comprend pas tout. Il parle très fort, mais les deux journalistes invités par Netflix (dont votre serviteur) sont un peu loin. Et, surtout, nous ne sommes pas dans le secret des private jokes du cinéma. Dans un souci de transparence, je vous propose mes notes, prises à l’arrache mais qui résument bien la teneur générale. Et je vous laisse vous débrouiller pour interpréter :

Depardieu veut pas de chaussures. « Pourquoi vous me mettez ça bordel ! On s’en fout qu’on voie mes pieds. » Il parle de cul ? De Ridley Scott ? Une histoire de tournage où il n’y avait « rien à becter ». « Et là, à 11 heures 30, on refait une nouvelle scène ! J’ai chaud à la chatte ! Chatte (rires) ». Bruit avec la bouche. GD : « Bordel, dépêchons-nous ! » Là il parle de son cuissot ?????

Dans le fond, une voix tente : « Moteur, action ! » Evidemment, Depardieu lâche une ou deux dernières blagues salaces. « C’est minimum une beaufferie (sic) par prise », lâche un technicien. La première (prise) de l’après-midi sera interrompue par le téléphone portable du « monstre sacré » : « Je te rappelle. » Etonnamment, on entend peu de soupirs d’énervement derrière les écrans de contrôle. « Les dix premières minutes, il faut s’accrocher, mais ensuite tout le monde s’habitue. En vrai, il est plutôt efficace », assure un producteur.

La deuxième saison de «Marseille» sera marquée par l'arrivée de l'extrême droite.
La deuxième saison de «Marseille» sera marquée par l'arrivée de l'extrême droite. - Netflix

Un regard appuyé, un peu méchant, en guise d’interview

Efficace, car pressé : Gérard Depardieu n’aime pas les heures supp’. La réalisatrice veut fignoler un détail technique : « Ah, vous me faites chier. Tout ça pour de la frime, bordel ! » Il crève de chaud, transpire un peu. Une costumière vient lui mettre des Crocs noires aux pieds : les scènes suivantes sont filmées plus haut, on ne verra pas ses pompes. Il chambre un cadreur : « C’est pire que l’équipe C, bordel, j’ai jamais vu ça ! » Il se met à chanter Je rêvais d’un autre monde

Depardieu chante, gueule, renifle, tousse, dit des horreurs. Sur le plateau, on ne voit que lui - comme dans ses films, ses chefs-d’œuvre comme ses pires nanars. Sans doute influencé par un tropisme familial pro-Depardieu et par l’excellente BD de Mathieu Sapin, on le trouve malgré tout plutôt attachant. « Dans le fond, c’est un gentil », confirme un partenaire bienveillant.


Depardieu apprend que « des gens de Netflix » sont venus, avec des journalistes : « Mais je veux paaaaas », comme un enfant qui chouine. Il n’aime pas les nouvelles têtes, nous dit-on. Et pour cette deuxième saison de Marseille, il ne parlera pas aux journalistes, ni sur le tournage, ni après, en promo, en tout cas c’est ce qui est dealé.

Instant confession : ce n’est peut-être pas plus mal. Sur un précédent tournage, il avait pris en grippe les confrères, enchaînant blagues et moqueries. Ils ne savaient plus où se mettre. De cette après-midi à trois mètres de Depardieu, nous nous contenterons donc de ce regard appuyé, un peu méchant, pour imaginer qu’ils ont dû passer un sale quart d’heure.

« Un enculeur, deux enculeurs, ça commence à faire beaucoup »

Echange d’impressions avec un jeune technicien :

« ­ – Très franchement, j’évite de croiser son regard ! Je peux me la péter, dire en soirée que j’ai tourné avec Depardieu. Mais j’ai quand même hâte que ça se termine.

– Tu lui as déjà parlé ?

– Il m’a parlé une fois, pour me dire de dégager. On baisse les yeux. Une fois, je l’ai entendu dire à côté de nous “quoi, ils me trouvent arrogant ? Ils osent pas me parler ?” Bah ouais Gégé, on évite… »

Encore l’influence du bouquin de Sapin : il est piégé dans son rôle. Sa carrière part en vrille. Ses affaires sont parfois compliquées. Entre deux scènes, on l’a entendu parler business, au téléphone. C’était tendu : « Un enculeur, deux enculeurs, ça commence à faire beaucoup ! »

Gégé ne nous ferait pas une bonne petite déprime ? Pas de psychologie de comptoir, mais cette sale vanne, lâchée à un partenaire : « Y a rien de plus con qu’un acteur, regarde moi… Allez, va chier ton texte ! »