VIDEO. «Ah que coucou!»... Entre Johnny et ses imitateurs, des relations parfois tendues

CARICATURE Gérald Dahan, Didier Gustin et Yves Lecoq reviennent sur leur imitation de Johnny Hallyday…

Thibaut Le Gal avec C.W.
— 
Johnny Hallyday en concert
Johnny Hallyday en concert — Fred DUFOUR / AFP
  • Johnny Hallyday a souvent été caricaturé par les humoristes.
  • Le chanteur n’a pas toujours apprécié les moqueries des Guignols notamment
  • Gérald Dahan, Didier Gustin et Yves Lecoq reviennent sur leur imitation.

« Il est pas terrible… non mais écoute, t’as vu ça franchement ? Il a l’anneau du mauvais côté, en plus… » En 1989, sur le plateau de Nulle Part Ailleurs de Canal +, Johnny Hallyday sourit jaune face à sa marionnette. Armé d’une cisaille, le chanteur finira d’ailleurs par couper le nez, jugé trop long, de son double en latex.

Le rockeur n’a pas toujours apprécié les parodies, imitations et caricatures des Guignols et autres humoristes, qui le faisaient passer, disait-il pour un idiot. Thierry Leluron, Gérald Dahan, Yves Lecoq ou encore Didier Gustin, la plupart des imitateurs s’y sont mis.

« L’une de mes imitations préférées »

« Johnny, c’est l’une de mes imitations préférées. C’est un personnage qui permet de mettre le feu, une personnalité populaire, qui vous met dans la poche tous les publics », lâche Gérald Dahan. L’imitateur s’est penché sur l’idole de jeunes dès l’âge de 19 ans. « J’ai fait la voix de son double Jojo dans les Minikeums pendant près de 10 ans, puis à la radio, et sur scène pendant des années. C’était un personnage que je côtoyais indirectement, au quotidien, ça nous permet de nous familiariser avec sa personnalité ».

Pour les imitateurs, Johnny Hallyday est un passage obligé. « J’ai commencé à l’âge de 12-13 ans, dans ma chambre d’ado, mais ma voix n’était pas assez mature. Il m’a ensuite suivi dans tous mes spectacles », se souvient Didier Gustin. « Si on veut bien faire sa voix, il faut bosser dur. C’est une voix timbrée, qui descend très bas et va très haut. Ce que j’essaye d’apporter dans mon imitation, c’est l’âme de Johnny. Quand il chante, il se met dans la peau du personnage ».

« Reproduire sa voix, son rythme, sa tonalité, c’est épuisant. Il faut sortir ses tripes… Je préférais l’imiter en chantant car c’est là où il prenait toute sa dimension, poursuit Gérald Dahan. D’autres, comme les Guignols, ont préféré la caricature, ce qu’ils faisaient d’ailleurs très bien. Mais on l’a souvent brocardé sur sa façon de parler, Johnny l’a parfois mal vécu, car c’était quelqu’un de timide ».

« Ah que coucou ! » agace Johnny

« Je ne suis pas sûr que tous ces chansonniers l’emballaient tant que ça. D’abord c’était un mec pudique, vachement timide. Il savait très bien ce que Johnny Hallyday représentait, mais en même temps il n’avait pas toujours envie de jouer à Johnny Hallyday. Et cette espèce d’abaissement de son image par la caricature, je crois que ça ne lui a jamais plu », explique Jean-François Brieu, professeur à l’IJBA et auteur de Johnny Hallyday, une passion française. « La plus célèbre, le "ah que coucou" avec le gros pif, il l’a toléré. Mais il faut reconnaître qu’ils le faisaient passer pour un couillon ! Il s’en serait bien passé ». Dans les Inrocks, en mai 2009, le chanteur racontait :

« Il y a aussi un paquet de gens qui me détestent ! Qui me tournent en dérision, qui me font "ah que coucou"… Au début c’est marrant. Au bout de dix ans… Moi je dis toujours que les blagues les plus courtes sont les meilleures. Ou le "ah que" : je n’ai jamais dit "ah que" ! Je sais bien que c’est de la caricature. Mais les gens simples pensent que c’est vrai, m’identifient à ça, et au bout d’un moment c’est énervant… »

Yves Lecoq, voix historique des Guignols, raconte : « Aux Guignols, on était dans la caricature absolue, avec cette fameuse boîte à coucou. Avec la vie de Johhny, il y avait toujours quelque chose à raconter. J’aimais jouer sur ses faux pas, sa manière de déraper sur les mots ». Il poursuit :

Johnny trouvait la caricature et son profil trop exagérés. Mais Jean-Claude Camus [son producteur historique] l’avait fait venir à Canal pour dissiper cette brouille et c’est là qu’il a coupé le nez de la marionnette ».

A la sortie de l’émission, Yves Lecoq a d’ailleurs eu quelques frayeurs : « Une horde de fans, avec les blousons en cuir, a voulu me faire la peau pour venger leur chanteur, que je venais d’imiter. Mair après ça, ça s’est pacifié. Johnny a fini par accepter les imitations. Camus lui avait fait comprendre que la marionnette, c’était bon pour sa popularité ».

« Les imitateurs permettent ça aussi : restituer au public quelqu’un qu’on n’aura plus en live »

« J’ai discuté avec lui, une fois, de ces caricatures des Guignols, il m’avait dit sur un ton humoristique, "ah que j’aime pas !", exprès, en caricaturant sa propre caricature. Cela montre tout le sens de l’autodérision qu’il avait. D’ailleurs, il était finalement devenu ami avec Laurent Gerra, qui ne l’a pourtant jamais raté », indique Gérald Dahan.

La mort de l’artiste ne devrait pas empêcher les humoristes de l’imiter. « Il m’a suivi et me suivra encore, peut-être sous une autre forme. Maintenant, je n’ai plus trop envie de m’amuser avec sa voix, j’ai plutôt envie de faire des hommages, des trucs jolis, respectueux pour faire vivre sa mémoire », dit Didier Gustin. Gérald Dahan confirme : « Il y aura maintenant beaucoup plus d’émotions. J’ai souvent remarqué que les imitateurs permettent ça aussi : restituer au public quelqu’un qu’on n’aura plus en live ».