Hip-hop: Le freestyle peut-il renaître de ses (glorieuses) cendres en France ?

IMPROVISATION Le concours «Dernier Mot» veut relancer la culture du freestyle et de l'improvisation en France...

Benjamin Chapon
Finalistes de la première édition du concours de freestyle Dernier Mot, organisé par Red Bull
Finalistes de la première édition du concours de freestyle Dernier Mot, organisé par Red Bull — Teddy Morellec

En Amérique latine, le concours  Batalla de los Gallos est un événement énorme. Son avatar français, Dernier Mot, débarque enfin en France samedi soir au Bataclan. Concours d’éloquence, il met aux prises des freestylers, improvisateurs oraux venus du monde du hip-hop. Porté à l’international par Red Bull et son énorme puissance financière, l’événement pourrait devenir un rendez-vous incontournable.

Membre du jury qui désignera le gagnant, Mehdi Maizi l’espère : « Il y a une dimension théâtrale excitante, l’odeur du sang… Les concurrents apprennent le thème sur lequel ils doivent improviser au dernier moment… » Pour autant, le spécialiste du hip-hop sait bien que le freestyle n’est plus en vogue dans le rap actuel. « Les rappeurs têtes d’affiche d’aujourd’hui ne pratiquent pas le freestyle, ils ne sont plus dans cette culture-là. C’est plutôt une discipline de niche, du rap underground. Mais les freestylers actuels sont très intéressants, et méritent le succès. »

Retrouver le goût des années 1990

Habitués à gérer des événements au rayonnement international dans les sports extrêmes, Red Bul adopte une stratégie plus patiente avec la musique.Sur le modèle de ses Red Bull Music Academy qui accompagnent des musiciens électros du monde entier dans des genres musicaux de niche, Dernier Mot n’est pas conçu pour remplir les stades. « Notre volonté à moyen terme est d’arriver à la même dynamique que le format hispanique avec pourquoi pas, une finale mondiale en langue française, qui réunirait donc plusieurs pays francophones, osent rêver les organisateurs. Notre objectif est d’offrir une plateforme d’expression pertinente pérenne, capable d’accompagner l’essor du freestyle dans le pays. »
 

Mehdi Maizi note qu’il faudra pour cela que le freestyle revienne à la mode : « Il y a beaucoup moins d’open mic aujourd’hui, c’est devenu une scène underground. Quand le collectif 1.9.9.5. a émergé, ils ont parlé de leur culture freestyle mais ils ont une vision très années 1990 du rap.Nekfeu est l’un des seuls gros rappeurs du moment à savoir faire un freestyle aujourd’hui. Mais la plupart des rappeurs actuels ne parlent plus de hip-hop. Le graff, la danse, tout ce qui fait cette culture, ça ne les intéresse pas. Ils font de la musique et c’est tout. »

Une culture française de l’impro

Pour qu’un jour, les « improvisateurs » français soient connus du grand public, les organisateurs du concours Dernier Mot ont choisi de s’inscrire dans une certaine tradition. « Nous avons choisi de situer notre premier événement au Bataclan car c’est un lieu historique pour la culture hip-hop et impro des années 1980. Et nous avons voulu un jury très crédible : Youssoupha, Deen Burbigo, Stephane De Freitas, Medhi Maizi et Artik.

Pour eux, il n’y a pas de malédiction, la culture française et le freestyle ne sont pas incompatibles : « Il y a une scène d’improvisation puissante et à fort potentiel dans notre pays. Les plaidoiries des avocats, les ligues d’impro, les concours de théâtre ou d’éloquence, révèlent des visions multiples de l’improvisation et du freestyle. Pour cette première édition, la majeure partie des participants est issus de la scène hip-hop mais nous souhaitons encourager les improvisateurs de tous horizons à venir participer à Dernier Mot dans les années à venir. »