«Paradise Papers»: Des sociétés offshore héritières du compositeur Maurice Ravel
ravel Les droits d'auteurs du compositeur français sont éparpillés dans différentes sociétés créées par ses héritiers...
Le Boléro de Ravel, tout le monde le connaît. Et pour cause, l’œuvre a occupé la première place du classement mondial des droits versés par la Sacem (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique) jusqu’en 1993 et s’est bien maintenue depuis. S’en sont suivies des histoires pas possibles autour de l’héritage : En gros, aujourd’hui, les droits reviennent à la fille de la seconde femme du mari de la masseuse du frère de Maurice Ravel. Et la bataille autour des droits d’auteurs se retrouve aujourd’hui dans les Paradise Papers.
Pourtant, en mai 2016, on pensait qu’avec l’entrée de l’œuvre dans le domaine public, on n’entendrait plus parler des héritiers de Maurice Ravel. Que nenni ! L’ancien directeur de la Sacem, Jean-Jacques Lemoine avait proposé aux héritiers de gérer les droits d’auteurs et d’édition du compositeur. Montant des droits en 1970 : 36 millions de francs.
Une optimisation fiscale bien menée
A l'époque, l’expert en optimisation fiscale commence par s’attaquer aux 75 % de droits versés à l’éditeur de Ravel, René Dommange, des éditions Durand. Après l’avoir menacé de tout faire éditer aux Etats-Unis, récupère le catalogue, il ne laisse à Durand que la moitié des revenus des partitions. Puis Jean-Jacques Lemoine crée une série de sociétés écrans dans différentes places offshore : Artistic Rights International Management Agency (Arima) au Vanuatu, qui déménage ensuite à Gibraltar, puis aux îles Vierges britanniques. Il passe un moment en Suisse, abandonne la nationalité française, puis s’installe à Monaco où il héberge la société à son domicile.
Sur place, il crée, en 1994, une fondation pour les enfants, Sancta Devota, qui tire une partie de ses ressources d’Arima. Parallèlement, il crée à Amsterdam d’autres sociétés (Caconda, Redfield et Nordice), elles aussi dépositaires d’une partie des droits du Boléro. Jean-Jacques Lemoine meurt en 2009. L’occasion de lancer une nouvelle magouille pour de nouveaux héritiers qui débarquent dans l’espoir de prolonger les droits d’auteurs jusqu’en 2030. Sans succès.
Des droits qui filent à Monaco et Amsterdam…
En mai 2016, l’œuvre de Ravel passe dans le domaine public. Ce fait n’a pourtant pas mis fin aux problèmes, car les droits continuent de courir aux Etats-Unis et en Espagne, environ la moitié des revenus complets, qui reviennent aux sociétés créées citées ci-dessus.
Ces revenus reviennent donc, selon les informations des Paradise Papers, à 10 % à la société Arima, reversés à la fondation Sancta Devota, qui vient en aide aux enfants défavorisés et finance en partie la fondation du prince Albert de Monaco pour l’environnement. Les 90 % restants sont versés à la société néerlandaise Caconda, dirigée par l’héritière des droits de Ravel Evelyne Pen de Castel. Cette société sponsorise la société SOS Talents et promeut de jeunes pianistes.
… Et une nouvelle destination pointée par les « Paradise Papers »
Les Paradise Papers ont aussi pointé une autre piste : Malte, où l’héritière a créé, en 2007, une société appelée Admira International Music Limited (pas très loin d’Arima) pour gérer les droits d’auteur. Le 18 octobre 2016, Admira a été radiée du registre du commerce maltais, faute d’avoir présenté « pendant plusieurs années » un bilan de son activité. « La société maltaise que vous avez mentionnée a bien existé, reconnaît Me Gilles Vercken, l’avocat de la succession Ravel cité par France Info. Mais elle n’a jamais fonctionné. »
Pourtant, fin 2013 soit six ans après sa création, Evelyne Pen de Castel était nommée administratrice de cette société, et son mari, Michel Sogny, secrétaire. Difficile de comprendre quelle était l’intention derrière ce maintien à flot de la société. La succession de Ravel n’a donc pas fini de faire parler d’elle à cause des mystères qui l’entourent.