«Variations»: Des planches originales d'Astérix, Tintin ou Lucky Luke revues et corrigées par Blutch

BD Le Grand Prix d’Angoulême 2009 reprend trente planches d’albums qui ont bercé sa jeunesse…

Olivier Mimran
Obélix par Blutch (détail)
Obélix par Blutch (détail) — © Blutch & éd. Dargaud 2017

Chaque nouvel album de Blutch - Christian Hincker dans le civil - est un petit événement. D’abord parce que le Strasbourgeois produit « peu » (enfin, peu… plus ou moins un album par an), ensuite parce qu’il s’aventure régulièrement là où on ne l’attend pas : son précédent album, Vue sur le lac (2015), compilait par exemple illustrations et dessins de presse.

Variations, qui sort le 13 octobre prochain, est lui-même une suite disparate de planches… dont il n’est pas l’auteur original ! Les éditions Dargaud et 20 Minutes vous en proposent, en avant-première, quelques unes. Faites-vous une idée avant de retrouver, plus bas, le témoignage de Blutch himself. Bonne lecture !
 


Blutch n’a pas été couronné par ses pairs (à Angoulême, en 2009) par hasard : l’auteur de Waldo’s bar, Péplum, Lune l’envers, etc., est unanimement admiré pour sa propension à produire des récits délicieusement décalés, mais aussi parce que chacun de ses travaux répond à un besoin d’apprendre, encore et toujours, à une nécessité d’interroger son Art.


C’est d’ailleurs bien l’intention de Variations, dans lequel Blutch réinterprète 30 planches d’auteurs de BD « parmi les plus intéressants au monde, pour chercher à comprendre comment ils faisaient ».
 


Au commencement était la rigolade

Lorsqu’on lui demande comment l’idée de s’emparer des héros de sa jeunesse lui est venue, Blutch évoque une « étincelle » qui s’est produite suite à sa participation à un numéro hors série, il y a deux ou trois ans, du magazine Fluide Glacial. « Pour cette occasion, j’avais dessiné une page "inversée" de Gaston Lagaffe, c’est-à-dire que Gaston jouait le rôle de M. De Mesmaeker et vice-versa (ladite page figure dans l’album Variations). J’ai trouvé l’exercice tellement marrant que j’ai fini par avoir envie de le reproduire… J’ai ensuite fait cinq ou six planches dans le même esprit pour le magazine Pandora, ainsi qu’une planche d’un hommage aux Tuniques bleues. L’idée de les réunir en album m’est ensuite venue naturellement. »


 


Le Gotha du 9e Art…

Ses « recherches » nous permettent ainsi de redécouvrir, par exemple, des œuvres aussi diverses que celles de Pellos (Les pieds Nickelés), Jacobs (Blake et Mortimer), Hergé (Tintin), Jacques Martin (Alix), Forest (Barbarella), Greg (Achille Talon), Graton (Michel Vaillant) etc. « Il y en a énormément qui manquent, que je regrette de ne pas avoir repris car ils sont très importants pour moi. Will, par exemple, mais je suis en train de travailler sur une reprise de Tif et Tondu, alors ça va (rires). Je pense aussi à des auteurs comme Tillieux, Gébé, Poïvet, Chaland et bien d’autres… ».

 


 


Riad Sattouf versus Hergé

Pas de trace d’auteurs de la « nouvelle génération », en revanche. « C’est délibéré, j’ai voulu m’en tenir à une période « classique », une parenthèse temporelle assez étroite qui - Pellos et Hergé exceptés - s’étale des années 1960 aux années 1980. Mais qu’on ne se méprenne pas : les auteurs d’aujourd’hui, comme Riad Sattouf et consorts, m’inspirent autant que ceux d’hier ! Simplement, ce serait une autre démarche, qui m’amuserait beaucoup. Qui sait… un jour, peut-être ? »

Formellement, les planches de Variations sont conformes aux originales qu’elles reprennent. « J’ai tâché de ne pas modifier - ou alors à peine - les dialogues originaux. Par contre, j’ai changé les mises en scène des séquences que j’ai reprises. Comme un réalisateur qui ferait un remake », sourit Blutch. L’ensemble, tout en noir et blanc « parce que la grosse majorité des planches d’origine est en noir et blanc, et parce que ça fait sortir le trait », transpire l’admiration que Blutch porte à ses « modèles ».
 


« Un livre de crise ? »

On y devine aussi une pointe de nostalgie ? « Peut-être. En tout cas, j’ai réalisé au fur et à mesure que réinterpréter des personnages avec lesquels j’ai construit ma sensibilité artistique - mince, ça fait un peu prétentieux de le dire comme ça (rires) -, ça fait ressembler cet album à une sorte d’autoportrait. En ce sens, c’est peut-être aussi un livre de crise ? Je parle de la crise de "milieu de vie", puisque j’arrive à la cinquantaine, ce moment où on se demande : "Bon sang, qu’est-ce que ce métier bizarre que je pratique depuis trente ans ? (rires)" »

 


 


On se demande comment réagiront les auteurs - toujours de ce monde - dont les planches sont reprises ? « Je ne sais pas, mais je leur enverrai évidemment l’album. Ah, mais si, au fait : Christin et Mézières ont déjà découvert ma réinterprétation de leur Valérian. Et Christin a fait un commentaire super-drôle : « C’est chouette, m’a-t-il dit, tu as dessiné une version « vérolée » de Valérian ! ». J’ai évidemment pris ça pour un compliment (rires). »

 

« Variations », de Blutch - éditions Dargaud - 29,99 euros
En vente le 13 octobre 2017