«Summer of Love» 1967-2017: Bad trip et culs nus... «20 Minutes» est allé à la pêche aux hippies à Ibiza

SERIE D'ETE A l’occasion des 50 ans du «Summer of Love», «20 Minutes» est parti à la recherche d’«amour» et de «paix», et s’est perdu sur l’île d’Ibiza…

Clio Weickert
Bien avant David Guetta, de nombreux hippies peuplaient Ibiza
Bien avant David Guetta, de nombreux hippies peuplaient Ibiza — Chris Barham / Daily Ma/REX/SIPA
  • A la radio, sur les maillots de bain, dans des pubs ou à l’affiche de festivals… Le « Summer of Love » sera PARTOUT cet été à l’occasion des 50 ans du mouvement.
  • Cette récupération mercantile ne rend cependant pas hommage à l’esprit du mouvement. 20 Minutes veut croire à un nouvel « été de l’amour » possible et va partir à la recherche de l’esprit du Summer 67 dans le monde de 2017.
  • Cette semaine, nous sommes allés chercher des hippies à Ibiza.

Ibiza, le paradis des hippies ? Difficile à croire, tant l’île blanche est désormais associée à la java, et à David Guetta. Et pourtant, à la fin des années 1960, de nombreux rêveurs aux cheveux longs ont posé leur valise dans les Baléares, y trouvant un refuge de quiétude, d’insouciance et de liberté. Soit pile poil ce qui nous botte en ce moment.

Car à l’occasion des 50 ans du « Summer of Love », 20 Minutes part à la recherche de l’esprit hippie, de la paix et de l’amour, de la contestation de l’ordre établi, de la liberté, du plaisir et du psychédélisme. Une quête qui nous a donc conduits jusqu’aux plages nudistes d’Ibiza et au fin fond du monde, perdu dans la pampa.

Où t’es hippie, où t’es ?

En France, Nicky, « une hippie chic » qui a connu la vie de bohème entre Torremolinos et les Baléares dans les années 1960, nous avait pourtant prévenus : « les hippies ont disparu quand les beatniks sales et crasseux ont débarqué à Ibiza ». Soit selon elle il y a près de cinquante ans, après le fameux Summer of Love de San Francisco. On a quand même pris notre vol. Dès l’atterrissage, le spectre de l’échec cuisant guette. A première vue, Ibiza (la ville) ne respire pas vraiment l’esprit hippie. On a vite compris que le hippie ne se chopperait pas aussi facilement qu’un bulbizarre en plein Paname.

L'esprit hippie à la sauce mercantile dans la vieille ville d'Eivissa
L'esprit hippie à la sauce mercantile dans la vieille ville d'Eivissa - C.WEICKERT

Alors oui, dans le quartier festif et bétonné de Platja d’en Bossa, ou au cœur de la vieille ville, le hippie est partout, ou plutôt nulle part. Devenu un véritable argument de vente, on trouve des signes « peace and love » en veux-tu en voilà, de l’attrape-rêve à gogo, des tonnes de macramés et des kilomètres de couronnes de fleurs… Le tout « made in China ». Quant à l’esprit, les fêtards semblent plus s’interroger sur la robe résille et la paire de tongs à porter à la soirée Guetta qu’à l’absurdité de la guerre. Mais c’est bien connu, le hippie se mérite. On a donc dit adieu à la société superficielle et mercantile, aux « hippies market » surfaits de l’île, pour s’éloigner des sentiers battus. On est des frappadingue, ouais.

Cinquante ans de retard

Direction Sant Carles, chez « Anita », réputé comme l’une des plus vieilles adresses de hippies sur l’île. Excitée comme une puce à l’idée de mettre enfin la main sur la tête d’une personne aux cheveux longs, imaginez la douche froide quand on découvre l’établissement, aussi sexy qu’un PMU en Picardie.

Internet et ses bonnes adresses de hippies, comme le bar Anita à Sant Carles
Internet et ses bonnes adresses de hippies, comme le bar Anita à Sant Carles - C.WEICKERT

Se taper plus de 1.108 bornes pour ça, ça fout un peu les glandes. Mais alors qu’on commençait à maudire ciel et terre, quelle ne fut pas notre soulagement en tombant sur son petit frère, le vrai bar Anita.

La façade du minuscule Bar Anita, paumé dans le petit village de Sant Carles
La façade du minuscule Bar Anita, paumé dans le petit village de Sant Carles - C.WEICKERT

Il était donc enfin temps de poser la fameuse question : « On peut trouver des hippies ici ? » (un peu direct comme approche mais au moins c’est clair). Réponse : « Plus depuis cinquante ans, c’est fini tout ça », nous répond l’un des serveurs, ému par la déception suintant de notre visage (ou lassé de devoir répondre quotidiennement à la même question, au choix). Cinquante ans de retard. Le doute s'installe doucement quant à la pertinence de ce reportage...

Pas le temps de se morfondre, dégainons plutôt une nouvelle carte : celle des gens tout nus.

« Qu’entends-tu par "hippie" ? »

Etape suivante : Cala Benirras au nord-ouest de l’île, où apparemment, se baignent des nudistes. Et dans notre esprit, qui dit nudisme, dit décontraction, dit communion avec la nature, et par conséquent : hippie. Première impression, la petite plage a de la gueule. Le hic ? Elle est surpeuplée de touristes.

Cala Benirras, la petite plage des gens tout nus (au fond derrière le sauveteur)
Cala Benirras, la petite plage des gens tout nus (au fond derrière le sauveteur) - C.WEICKERT

Mais passé la barrière de parasols, on entrevoit un petit chemin dans les rochers, qui mène à un spot où clairement, les gens ne portent pas de slips. Sur le papier, rien de bien compliqué : marcher naturellement et poser notre question en toute décontraction. En réalité, l’embarras est total et l’on se répète chaque seconde intérieurement : « NE SURTOUT PAS BAISSER LES YEUX ».

« Qu’entends-tu par "hippie" ? », répond la personne toute nue, et décontractée, elle. Oui tiens, bonne question… « Des gens qui vivent en communauté, sans électricité (et qui ne se lavent pas) ? », est finalement notre seule réponse. « Bien sur qu’il y en a, explique-t-elle, mais tu viens trop tôt. Il faut revenir en octobre, en ce moment il y a trop de touristes et de stress. Ils vivent dans les montagnes ». Son ami au zizi à l’air acquiesce, tout en évoquant vaguement un lieu nommé « casa verde ».

Bingo ! Plus une minute à perdre.

« Viens voir ma cave… »

Direction « Casita Verde ». Dans le taxi (faut pas déconner non plus), la conductrice nous met en garde contre « les gens sales qui sont tout sauf des hippies », selon elle. « Avant il y en avait, mais la plupart étaient issus de familles riches qui leur envoyaient de l’argent pour vivre. Maintenant ce ne sont plus les mêmes, ce sont des gens sales qui veulent profiter. Moi je travaille énormément pour avoir ce que j’ai ».

Après 15 minutes à tournicoter sur les routes de petites montagnes, on arrive à destination : Casita Verde, « le projet phare d’Ibiza Ecologic (une association sans but lucratif), un centre d’éco-éducation, mettant en vedette une vie durable et des énergies alternatives », explique le site Internet. Un monde de hippie en somme, non ? Et l’endroit est magnifique. Sans adresse exacte, paumé dans la pampa et sans la 3G, mais magnifique.

L'entrée de Casita Verde, quelque part sur l'île d'Ibiza
L'entrée de Casita Verde, quelque part sur l'île d'Ibiza - C.WEICKERT

Chris, un sexagénaire anglais, ancien officier de radio de la marine marchande britannique, fondateur de Casita Verde en 1993, nous accueille, et disparaît. Il réapparaît quelques minutes plus tard avec ce qui ressemble à un smoothie. Et là, deux pensées nous traversent l’esprit : d’un, l’homme ressemble beaucoup trop au personnage d’Ed Harris dans la série Westworld (un méchant), et de deux, toujours se méfier du verre d’un inconnu (un conseil paternel). Un mauvais pressentiment tout d’un coup.

L'espace des enfants à Casita Verde
L'espace des enfants à Casita Verde - C.WEICKERT

Chris explique tout de même le fonctionnement de la petite maison verte, un endroit qui fonctionne uniquement avec des énergies naturelles (grâce au soleil et au vent), où le recyclage est le mot d’ordre. En gros, des toilettes sèches fabriquées avec des canettes de coca et des cabanons en bouteilles de kro.

L'espace de recyclage du centre
L'espace de recyclage du centre - C.WEICKERT

Après quelques explications sur le fonctionnement du centre, notamment le fait que des gens payent pour venir bosser avec lui et être éduqué à un monde meilleur, quelques réflexions nous interpellent. A commencer par « la démocratie est une erreur », « le monde touche bientôt à sa fin (dans 5 ou 10 ans) », et « le cannabis est illégal car il fait penser ». Le tout lancé avec un regard hypnotique (quand il ne regarde pas nos boobs), devant le poster d’un arbre chelou.

Les différentes missions de Chris Dew à Casita Verde
Les différentes missions de Chris Dew à Casita Verde - C.WEICKERT

Au bout d’une heure, on pose la vraie question : « êtes-vous un hippie ? » Réponse : « Non, je suis un politicien ». Il est donc grand temps de se barrer. Mais comment ? Quand on tente de commander un taxi, le maître des lieux nous dit que le temps ne presse pas. On insiste, le politicien s’en charge puis nous invite à découvrir « un endroit super sympa où écouter de la musique et discuter ». Et là, c'est le début du bad trip.

On tombe nez à nez avec ce qui s’apparente à une cave/grotte. Autant être honnête, pour nous la fin est proche, on se voit mourir. Ceux qui ont vu Lovely Bones comprendront.

L’hote descend les marches et nous invite à le rejoindre. Derrière un rideau, on aperçoit vaguement ce qui semble être un canap'. Le taux d’adrénaline grimpe, le soleil décline, il est hors de question de foutre un p***** de pied sous terre. Instinct de survie, on balance alors un « claustrophobia » sorti de nulle part, tout en élaborant un plan de fuite (pour aller où ?), sans oublier de ne pas montrer sa peur (comme avec les chevaux et les chats). Chris remonte.

Une heure plus tard, le taxi n’est toujours pas là. Des jeunes gens s’affairent dans la cuisine et nous regardent avec des sourires béats flippants. Ceux qui ont vu Hostel comprendront.

Chris décide alors de nous faire visiter ses toilettes sèches, et nous montre un four qui fonctionne à l’énergie hydraulique. Autant dire LE four où notre corps démembré se consumera probablement dans quelques heures. Un couple débarque et nous dit de ne pas nous inquiéter, la vie est belle, « don’t stress » toussa toussa… Puis vient un chaman qui apporte sa carte de visite. L’espoir quitte peu à peu notre âme. Voyage au bout de l’enfer. Merci 20 Minutes.

Au bout d’une heure et demie d’attente insoutenable, de prières, d’incantations, de dizaines de plans de fuite absurdes et de milliards de SMS envoyés à nos connaissances à Ibiza, un taxi pointe enfin le bout de son nez. Liberté, je crie ton nom.

La fin du voyage

Résumé de l’histoire : le gros fail. Le vrai hippie se terre.

Et parce que le destin est un gros rigolo, voilà sur quoi on tombe le lendemain à l’aéroport, une heure avant de prendre l’avion.

Quand la vie se fout vraiment de votre gueule
Quand la vie se fout vraiment de votre gueule - C.WEICKERT

Ça valait bien la peine de parler à des gens tout nus et se taper un bad trip.