Le cauchemar de Darwin: un cas à part dans le cinéma documentaire

CINEMA Retour sur les attaques énoncées contre le film d'Hubert Sauper...

Catherine Levesque
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A la veille de la cérémonie des Oscars à Los Angeles où il est nominé, "Le cauchemar de Darwin", documentaire sur l'industrie de la pêche et la misère autour du lac Victoria en Tanzanie, est dénoncé comme "une supercherie" par un historien français.
A la veille de la cérémonie des Oscars à Los Angeles où il est nominé, "Le cauchemar de Darwin", documentaire sur l'industrie de la pêche et la misère autour du lac Victoria en Tanzanie, est dénoncé comme "une supercherie" par un historien français. — Joël Saget AFP

La polémique autour du «Cauchemar de Darwin», le documentaire réalisé en 2005 par Hubert Sauper, aurait pu se finir en queue de poisson. Mais l’arête semble être restée coincée dans la gorge de François Garçon, qui détricote le travail d’Hubert Sauper avec constance. 


Qu’elles soient sincères ou malveillantes, ces attaques contre «Le bobard de Darwin», pour reprendre le titre d’un article de Charlie Hebdo (15 mars 2006), constituent un cas unique dans l’histoire du cinéma. Au-delà du film lui-même, elles posent la question de la liberté d’expression et de la définition du documentaire de création, qui représente par nature un point de vue, une vision subjective de la réalité. Déplacer la polémique sur le film ne revient-il pas d’ailleurs à oublier cette réalité?


Attaques groupées?


Au printemps dernier, une quarantaine de personnes sans lien apparent ont attaqué à leur tour Hubert Sauper en justice pour avoir été, disaient-elles, manipulées par son film. Déboutées en mai dernier, une partie d’entre elles s’avèrent avoir été élèves de François Garçon à la Sorbonne durant l’année scolaire 2006-2007… 


Quant à la réalité censée avoir été déformée par Hubert Sauper, elle reste défendue par des experts internationaux et locaux de la pêche en Tanzanie. Eirik Jansen, scientifique de l’ambassade norvégienne qui vit en Tanzanie depuis plusieurs années, confirme la marginalisation d’une partie de la population autour du lac Victoria liée à l’exportation de la perche du Nil en Europe. Selon lui, les captures sont en diminution dans le lac en raison de la surexploitation (1) et les usines locales cherchent actuellement de nouveaux marchés, notamment sur le lac Tanganika et sur la côte tanzanienne. Une zone où la pêche était jusqu’ici réservée à la population locale… 


Effet positif du «Cauchemar de Darwin», un projet mené par Carrefour Belgique et Carrefour Italie est en train de voir le jour autour du lac Victoria grâce à la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme: «Pour un kilo de perche acheté, 0,05 € seront reversés à un fonds chargé de diversifier les activités des pêcheurs», explique René Segbenou, sociologue et directeur de Kori-Développement, chargé de coordonner le projet. Un espoir après le cauchemar. 


(1) Le gouvernement tanzanien a proposé de suspendre les permis de pêche dans le lac Victoria le 18 décembre dernier.