PIFFF 2016: «Le surnom de "Maître de l’horreur" me semble réducteur», estime Dario Argento
INTERVIEW Le réalisateur italien, qui présente ce dimanche une version restaurée d'« Opéra » au Paris international Fantastic Film Festival, a répondu aux questions de « 20 Minutes »…
Ce dimanche, c’est jour du saigneur au Pifff. Le Paris International Fantastic Film Festival met à l’honneur l’un des dieux du cinéma de genre, Dario Argento. Le réalisateur italien a fait le déplacement jusqu’au Max-Linder pour présenter Opéra, long-métrage qu’il a signé en 1987, dans une version restaurée respectant le montage original inédit en France (1). Avant la grand-messe gore et les frissons de l’angoisse, 20 Minutes s’est entretenu avec le cinéaste aux réponses aiguisées.
Vous êtes au PIFFF pour présenter « Opéra ». Quelle place ce film tient-il dans votre filmographie ?
Il tient une place importante. Pour le faire, j’y ai mis toute mon énergie physique et mentale. Je suis très heureux parce que c’est la première fois qu’il est présenté en France dans sa version originale alors que le film avait jusqu’à maintenant été distribué avec un montage amputé de plusieurs minutes. C’est bien que le public puisse le voir dans sa version d’origine, qui est plus forte, plus intense.
L’une des scènes cultes du film met en scène l’héroïne entravée et contrainte de regarder le meurtre qui se déroule devant elle car le tueur a placé des aiguilles sous ses yeux, aiguilles qui la blesseront si elle ferme les paupières. D’où tirez-vous une telle idée ?
Cette scène s’inspire un peu d’une séquence d’Orange mécanique de Stanley Kubrick (dans laquelle le personnage principal, les yeux écartelés est forcé de regarder les images qu’on lui projette). Mais j’avais aussi remarqué, en regardant le public dans la salle, que, face aux scènes violentes, les gens avaient tendance à se cacher les yeux. Moi, je me disais : "Mais non ! Ce sont les scènes les plus intéressantes que j’ai tournées." J’ai alors pensé à un mécanisme empêchant de fermer les yeux. (Il rit)
Les scènes choc sont nombreuses dans votre filmographie et elles vous ont valu le surnom de « Maître de l’horreur ». Ce qualificatif vous convient ?
J’ai fait beaucoup de films, tous très différents les uns des autres. L’Oiseau au plumage de cristal est un thriller, Suspiria, un film d’horreur, Inferno, un film sur l’alchimie et les énigmes… Maître de l’horreur, cela me semble réducteur.
De nombreux réalisateurs sont influencés par vos films, plus ou moins consciemment, comme on a pu le voir cette année chez Nicholas Winding Refn avec « Neon Demon » ou Bertrand Bonello avec « Nocturama ». Qu’est-ce que cela vous évoque ?
C’est normal d’être influencé par des films. Moi, je l’ai été par ceux d’Hitchcock, par l’expressionnisme allemand… Tout le monde a des influences. Aujourd’hui, on voit des films tous les jours, anciens ou récents, des chefs-d’œuvre… cela permet d’envisager le cinéma d’une façon plus large, en se nourrissant de l’expérience des autres.
Le giallo, sous-genre du film policier répondant à un cahier des charges précis, est longtemps resté méconnu. Mais son esthétisme, ses codes, inspirent de plus en plus de réalisateurs actuels. Comment l’expliquez-vous ?
C’est un cycle. On recommence à regarder le giallo comme quelque chose d’intéressant, d’important, que les gens avaient oublié.
Vous êtes l’invité du PIFFF, qui est un festival dédié au cinéma fantastique et horrifique. Que pensez-vous de l’état actuel du cinéma de genre ?
Ce n’est pas une grande période. Mais il y a quand même quelques exemples intéressants en Amérique latine, au Mexique, en Argentine, au Japon, en Corée du Sud…
Y’a-t-il un film de genre qui vous a particulièrement impressionné récemment ?
Non, aucun ne m’a vraiment impressionné.
Vous avez un projet en cours, intitulé « The Sandman ». Une date de tournage est-elle prévue ?
Non pas encore. Le casting n’a pas non plus commencé. Mais je pars fin février en repérage au Canada. Ce sera un giallo horrifique.
Un remake de l’un de vos films, « Suspiria », est en préparation. Nombre de vos fans ont hurlé à l’hérésie en affirmant qu’il était inutile de refaire une nouvelle version de ce qui est considéré par beaucoup comme un chef-d’œuvre. Mais vous, qu’en pensez-vous ?
Je pense aussi qu’il n’y avait pas besoin de faire ce remake, mais peut-être que c’est une question d’argent, puisque c’est toujours l’argent qui commande. J’ai été contacté par le réalisateur (Luca Guadagnino) alors que le tournage avait déjà commencé. Il m’a appelé il y a deux semaines pour me le dire et m’inviter à regarder quelques prises de vues. Les acteurs aussi voulaient me connaître. Mais je n’ai pas envie de voir l’un de mes films refait.
(1) Opéra sera prochainement édité en DVD en version restaurée, par l’éditeur Le Chat qui fume qui table sur une sortie en mars ou en avril.