Catch: Pourquoi ce divertissement est-il le plus stimulant intellectuellement qui soit
PSYCHOLOGIE Alors que les fans de catch ont déjà réservé leurs places pour « Wrestlemania 33 », tout indique que ce genre de spectacle brutal possède tous les atouts pour vous captiver…
Scénarisés mais inattendus, surjoués mais authentiques, manichéens mais tellement humains, les combats de catchs portent en eux la contradiction essentielle du vrai contre le faux.
Mise en scène à grand renfort de « coups de la corde à linge », cette esthétique du mensonge , fait en revanche un bien fou à celui des spectateurs et téléspectateurs.
n’y croit pas, et pourtant…
Le Dr Guillaume Latarjet, psychologue spécialisé dans , a déjà expérimenté des visionnages de spectacles de magie, ou des combats de catch avec ses patients : « Ces séances vidéo ont deux objectifs. D’abord, cela permet de détendre le patient avec une séance plus légère, moins centrée sur sa prise de parole. Ensuite, les combats de catch sont très… satisfaisants pour notre cerveau. » Les neurologues ont détecté depuis longtemps, le plaisir que l’on ressentait . Pour ce qui est du catch, savoir que le combat est du chiqué ferait entrer en concurrence plusieurs fonctions du cerveau : certaines souhaitant y croire, pour prendre du plaisir, d’autres sachant qu’il ne s’agit pas d’un vrai combat. Et cette lutte neurologique interne décuple le plaisir… « J’ai noté que les résultats étaient plus probants , note le Dr Latarjet. Peut-être l’aspect brutal, mais chorégraphié joue-t-il, ou le manichéisme des oppositions. » Un combat de catch, c’est en effet un gentil contre un méchant. Toujours. Et là encore, quelle que soit l’issue, le spectateur de catch est content. Quand le gentil gagne, on est satisfait, naturellement. Mais il y a toujours une part de nous qui aime voir le méchant l’emporter.
Dr House vous prescrit une dose de catch
« Je sais que c’est un peu bébête et ringard mais ça m’amuse tellement, assume Kevin Georgerin, président d’une association de fans de catch marseillais. Tout a changé avec l’arrivée d’internet. Depuis, tout le monde sait que les matchs sont scénarisés. Et si les catcheurs sont bien des athlètes, c’est pour leur capacité à faire le show sans se faire trop mal. Le catch n’est plus un sport violent, c’est devenu un vrai divertissement grand public. » Depuis, grosso modo, l’an 2000, a été rompu le kayfabe, ce code déontologique qui réclamait des catcheurs qu’ils . Aujourd’hui, les catcheurs sont perçus, et syndiqués, comme des acteurs.
La plupart des combats sont construits . « Franchement, si vous vous intéressez rien qu’un peu au catch, en quelques mois, vous devinerez l’issue du match au bout de deux minutes. Les retournements de situation sont souvent très prévisibles. Ça fait partie du show. » De même, les catcheurs ne sont pas réputés pour être de grands acteurs. « Je trouve que ça donne du charme aux combats, explique Darren Fog, . Depuis que le catch est clairement proposé comme une fiction, le public est plus varié. La WWE cherche à élargir son public . Chaque combat serait un épisode que l’on peut suivre et comprendre seul, mais qui donne envie de connaître toute l’histoire des personnages. » Exactement le genre de formule qui a fait le succès de séries dites « procédurales » comme Dr House ou Les Experts.
Payer en catch
La passion pour le catch peut mener à des extrémités., Wrestlemania 33 (ou XXXIII, mais c’est plus pénible à taper) aura lieu . A peine mis en vente, les billets ont trouvé preneurs en quelques heures.
Parmi les fans, il y a quelques Français prêts à dépenser plusieurs milliers d’euros pour trois jours de folie catch sous le soleil floridien. Natacha, vétérinaire à Châtellerault et fan de catch depuis 1995, refuse de dire combien lui coûtera son séjour mais entre les billets d’avion, l’hôtel et, bien sûr, les places, « c’est sûr que ça fait beaucoup, concède-t-elle. Ce sera la deuxième fois que j’y vais. C’est vraiment une expérience unique, l’ambiance est exceptionnelle. On s’amuse tellement. »
Roger Seguin, lui aussi fan de catch depuis les années 1990, : « Ma passion coûte déjà assez cher au ménage avec les abonnements au pay-per-view… » L’immense majorité des fans de catch, y compris aux Etats-Unis, s’adonnent à leur passion grâce aux chaînes de télé à péage développées par la toute-puissante WWE, société productrice de la quasi-totalité des spectacles de catch. « Je regarde ça en direct une fois par semaine, , explique Roger. C’est sûr que le lendemain, je n’ai pas trop les yeux en face des trous au boulot, mais je ne peux pas m’en passer. J’ai besoin de ma dose. » Roger s’esclaffe mais le champ lexical de l’addiction revient dans la bouche de tous les fans de catch interrogés.
« Quand je suis devant ma télé pour du catch, je suis hypnotisé, explique Darren Fog, de Vox Catch. Comme je dois publier , je reste concentré, mais c’est un spectacle très prenant. » Comme toute passion dévorante, le catch peut susciter des comportements extrêmes (collections de costumes de catcheurs, chasses aux autographes, écriture de fan fictions…), mais les amateurs rencontrés parviennent, dans l’ensemble, à circonscrire leur amour pour le catch. « Pour beaucoup de fans, du moins les adultes, c’est un peu un plaisir coupable, explique Mylène Marceau, postière et elle-même catcheuse à ses heures perdues sous le nom de Vampyra. Aux Etats-Unis, c’est une passion de beaufs. Mais en France, les fans de catch sont un peu snobs. Il y a un entre-soi. C’est assez valorisant et en même temps un peu gênant d’aimer le catch parce que ça ressemble à un truc d’adolescents. »
Bilan. Le catch est un divertissement qui fait du bien au cerveau, qui raconte une histoire, qui vous rend gentiment accro et qui vous fait vous sentir jeune. Tout ça avec des mecs en collants multicolores qui se bastonnent, font des grimaces et des acrobaties. Quel autre spectacle peut se vanter d’afficher un tel bilan ?