Vis(i)ons 2017: Comprendre les émotions et guérir l’autisme: les défis du langage robotique

innovation Le logiciel Cogito était au cœur de la conférence Vis(i)ons 2017, organisée par «20 Minutes»...

Antoine Magallon
Un employé d'un call-center indien
Un employé d'un call-center indien — GAUTAM SINGH

« Ego cogito ergo sum. » En 1644, dans Les principes de la philosophie,   écrivait cette phrase célèbre et affirmait, pour résumer, que l’homme était un être libre, pensant, responsable et doué de jugement. Quatre siècles plus tard, si l’être humain est toujours doué pour juger, il a maintenant des assistants pour le guider dans cette tache.

C’est ce que se propose de faire , un auxilliaire intelligent pour les télévendeurs. Le logiciel, crée en lien avec le  , aide un vendeur par téléphone à établir un meilleur contact avec la personne à l’autre bout du fil. En pratique, des algorithmes analysent le rythme de la voix, le ton et les silences lors d’une conversation, afin de déceler si le client est attentif, stressé, énervé ou réceptif aux arguments du vendeur. Grâce a des messages et des graphiques affichés à l’écran, Cogito aide, en temps réel, le   à mieux analyser les émotions de la personne qu’il contacte.

« L’intelligence artificielle ne sait pas prendre en compte nos défenses contre les émotions »

Si certains auront déjà fait le rapprochement avec le film , dans lequel le personnage principal tombe amoureux de son assistante artificielle, ce type d'outil reste une chimère selon Laurence Devillers, chercheuse au CNRS, spécialiste des interactions entre l’homme et le robot. « Nous pouvons bien repérer les grandes différences expressives dans la voix (joie, colère, tristesse, peur), mais pour d’autres, comme le dégoût ou la surprise, qui sont des émotions très visuelles, c’est plus compliqué. Même chose pour l’ironie. Surtout, ce n’est pas parce que nous savons bien reconnaître les émotions que nous saurons bien les interpréter. Le contexte culturel est important, car les individus, en fonction de leur pays d’origine, n’ont pas les mêmes normes et n’expriment pas les choses de la même façon. »

Un constat qu’approuve Frédéric Tordo, psychologue et psychiatre, fondateur de l’Institut pour . « Au téléphone, l’interlocuteur peut moduler sa voix. Quelqu’un qui bout à l’intérieur de lui, peut développer une tonalité de voix tout à fait monocorde. L’intelligence artificielle ne sait pas prendre en compte nos défenses contre les émotions. »

Mais le logiciel Cogito, ne fait pas qu’écouter le client, il guide aussi le télémarketeur, en temps réel, afin de modifier son approche de la discussion. Pour lui proposer de ralentir son débit ou d'expliquer plus calmement les choses afin d’optimiser les chances de vente. Un bon point pour Oliver Gouleau, dirigeant du centre d’appel téléphonique . « Au téléphone, la voix est très importante car elle forge l’image que vous allez renvoyer. Ce logiciel permet de s’auto analyser et c’est une bonne chose car souvent, nous n’avons pas une bonne perception de notre voix. »

Si Cogito peut analyser des émotions primaires, le jour où une IA optimisera nos relations avec notre patron au moment de demander une augmentation n’est pas venu. « Il ne faut pas avoir des attentes délirantes envers ces machines. Même si elles sont capables d’apprendre de nous, les humains seront toujours plus forts pour analyser des situations émotionnelles. Par contre, les robots peuvent avoir d’autres applications, comme rappeler des tâches quotidiennes à des personnes touchées par la maladie d’Alzheimer », détaille Laurence Devillers.

Des robots pour vaincre l’autisme ?

Utiliser le langage et l’empathie robotique, Frédéric Tordo, le fait déjà, dans son cabinet, pour venir en aide à des enfants atteints de l’autisme.

« La particularité des enfants autistes, c’est de ne pas bien comprendre les signaux qui émanent de notre corps, par exemple nos expressions faciales, ou la discordance entre ce que nous disons et notre posture. C’est pour cela qu’ils peuvent s’éloigner des autres humains. Pour éviter cela, j’utilise un robot, un modèle Alpha 1S, qui, comme il n’a pas de regard, mime et théâtralise la communication humaine. »

Concrètement, il s’agit de permettre à l’enfant d’interagir avec le robot par la parole pour le rassurer et lui permettre de comprendre que, si établir un contact avec la machine n’est pas dangereux, le faire avec un être vivant ne l’est pas non plus. « Dans ce cas précis la machine est un facilitateur, un médiateur entre l’enfant qui a des problèmes de communication et moi. L’objectif sera ensuite de l’amener à se passer de cette aide technologique », conclut Frédéric Tordo.

Une application concrète du langage robotique, loin des films de science-fiction. Les relations amoureuses entre les humains et les machines ne sont donc pas pour tout de suite, n’en déplaise à Joaquin Phoenix et Scarlett Johansson.