Kapla: des petites planches en bois qui valent des millions

Jeux Comment de simples morceaux de bois sont devenus des jouets parmis les plus vendus en France, et pourquoi ça continue de marcher...

Thomas Weill
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Dans les centres Kaplas, les enfants viennent nombreux afin d'apprendre des techniques de constructions, ici pour bâtir la Tour Eiffel.
Dans les centres Kaplas, les enfants viennent nombreux afin d'apprendre des techniques de constructions, ici pour bâtir la Tour Eiffel. — T. Weill

Vieux comme le monde, simple comme bonjour. Vous y avez peut-être déjà joué enfants avant de voir vos rejetons se découvrir aussi une âme d’architecte. Les Kaplas, ces petites planches en bois de taille égale à empiler auront bientôt trente ans. Sans la moindre campagne de communication à la télévision, les planchettes ont bénéficié d’un succès sans cesse croissant, et se retrouvent aujourd’hui parmi les jouets les plus vendus en France au côté des légos Star Wars et des poupées La Reine des Neiges.

Une seule règle, elles ont toutes les mêmes proportions : trois planchettes empilées sont à la même hauteur qu’une autre sur sa tranche, et cinq planchettes kaplas mises côte à côte égalent une autre dans sa longueur. Il n’en fallait pas plus pour réaliser un chiffre d’affaire de 7 millions d’euros en 2015, une hausse de 15% par rapport à l’année précédente, déjà en augmentation. La chaîne de magasins la Grande Récré le place même en sixième position de ses meilleures ventes en valeur entre le 1er et le 24 décembre 2015, avec 25 000 produits vendus sur 40 000 à l’année.


« Depuis le début on a vendu à peu près 80 millions de planchettes. Mises bout à bout, cela représente 9000 km, de quoi relier Paris à Los Angeles », se félicite Hélène Oros, directrice commerciale de Kapla France. Si la courbe des ventes croît depuis le début, c’est en 2010 que la société enregistre son « plus gros pic », un bond de 40% qui finit de la propulser sur le devant des étals de jouets. « 2010 a été un pallier », reconnaît Franck Mathais, directeur des ventes à La Grande Récré. Pour lui, « le succès du produit repose sur du bouche à oreille », et 2010 ainsi que le succès que connaît la marque aujourd’hui seraient l’aboutissement de ce processus.

Des premiers pas dans le milieu scolaire

L’histoire a débuté en 1987, quand l’antiquaire hollandais Tom van der Bruggen a voulu se construire un château dans le sud de la France. Il crée alors les planchettes qui allaient devenir les planchettes Kapla pour modéliser la maquette de son château. Convaincu par ses amis de commercialiser son produit, il lui donne un nom, Kapla pour « kabouter plankjes » ou « planchettes de lutin » en néerlandais. Malheureusement, l’antiquaire essuie d’abord un refus auprès des commerces.

Il se tourne alors vers les ludothèques et les écoles primaires. « Les enseignants on été très réceptifs. Ils ont tout de suite vu l’intérêt que cela pouvait représenter pour les enfants », rapporte Hélène Oros. La suite on la connaît. « C’est comme ça qu’on lance un produit en l’inscrivant dans la durée, quand il y a un usage préalable », analyse Franck Mathais.

Deux petites filles construisent ensembles un oiseau au centre Kapla de Paris.
Deux petites filles construisent ensembles un oiseau au centre Kapla de Paris. - T. Weill

 

Le succès commercial n’a pas pour autant poussé les planchettes de lutin hors des maternelles et des primaires. Les centres Kapla servent aujourd’hui encore de relais auprès du public et des écoles. « J’aime bien faire des constructions, mais j’aime pas les voir se casser », explique Marion, 6 ans, lors d’un atelier au centre Kapla de Paris. Pas de chance, d’après son père Julien, « son frère de trois ans aime surtout les détruire ». Les disputes doivent être nombreuses, ce qui n’a pas empêché la petite famille de construire « une tour super grande, presque jusqu’au plafond ! », avait renchéri Manon, les yeux pétillants.

Ecologique et simple

Les parents sont les premiers surpris de cet engouement. « J’ai pensé qu’elle ne jouerait qu’une fois avec eux, mais elle demande toujours qu’on en fasse », déclare Julien. D’après Hélène Oros, le succès s’explique assez logiquement. « C’est un contrepoint à la technologie. Les gens ont besoin de choses très simples, ils reviennent au bois », analyse la directrice commerciale. La directrice du centre Kapla de Paris, Marie-pascale Marsaly, évoque une autre raison, l’écologie. « Les Kaplas sont réalisés dans du pin des Landes, et nous utilisons des parties du bois qui ne sont pas utilisées pour autre chose. C’est peut-être une des raisons du succès, il s’agit de bois provenant de forêt renouvelable, et qui ne se perd pas », commente-t-elle.

Seuls ou en groupes, les enfants apprennent à construire tout un tas de formes différentes à l'aide de Kaplas, de l'oiseau à l'éléphant, en passant par la Tour Eiffel ou le Tower Bridge londonien.
Seuls ou en groupes, les enfants apprennent à construire tout un tas de formes différentes à l'aide de Kaplas, de l'oiseau à l'éléphant, en passant par la Tour Eiffel ou le Tower Bridge londonien. - T. Weill

D’après Franck Mathais, « même sans héros, technologie ou matériaux particuliers, le marché arrive à sortir des produits qui plaisent aux enfants ». L’explication du succès des Kaplas est simple selon le directeur des ventes de La Grande Récré. « Il s’agit d’un objet qui propose un type d’activité universel, intemporel, qui associe la créativité, et le partage, entre enfants comme à travers les générations. »


D’ailleurs, si les petits adorent, les grands ne sont pas en reste. « Nous avons même des adultes qui s’inscrivent aux ateliers et viennent sans enfants pour réaliser des constructions plus complexes », selon Novica, l’un des quinze animateurs professionnel du centre parisien. A La Grande Récré, on considère l’utilisation du jouet par les adultes comme marginale. Reste que l’autre centre dédié aux planchettes, situé à Lyon celui-ci, a entrepris le vendredi 13 mai 2016 de battre un record tout adulte, celui de la plus haute tour réalisée en Kapla. Pari réussi à une hauteur de 18,40 mètres, homologuée par les membres du Guinness book des records. Eh oui !, les planchettes de lutin ne se jouent pas… qu’à plat !