Passion, réseau, talent... Qu'est-ce qui compte le plus pour percer dans la musique actuelle?

MUSIQUE La Red Bull Music Academy organise des « lectures » avec des stars de la musique électronique...

Benjamin Chapon
Laetitia Sadier en lecture à la Red Bull Music Academy de Paris
Laetitia Sadier en lecture à la Red Bull Music Academy de Paris — RBMA

La Red Bull Music Academy se tient actuellement à Paris. Les heureux académiciens, venus du monde entier, y profitent notamment des bons conseils de pontes de la musique électronique, lors de lectures. Nicolas Godin (Air), Craig Leon, Laetita Sadier (Stereolab), Laurent Garnier ou Cerrone sont déjà passés devant les jeunes musiciens. Mais également des figures de l’ombre comme Sheila E, batteuse de Prince qui a collaboré avec Lionel Ritchie, Gloria Estefan et Beyoncé. Ou Andrew Scheps, producteur et ingénieur du son pour Adele, Metallica, Jay-Z…

La semaine prochaine, c’est Chilly Gonzales qui s’y collera. Récemment, le musicien canadien nous expliquait sa vision de la pédagogie en musique et avoir « la chance de faire un métier où on ne finit jamais d’apprendre et où on apprend presque malgré soi, dans toutes les situations de la vie. » Malgré tout, lui a bien appris le piano puis le rap puis l’écriture pour orchestre et quatuor à cordes grâce à des cours plus ou moins classiques. « J’ai mis un an à comprendre comment fonctionne un quatuor à cordes avant de pouvoir commencer à composer mon dernier album. Parfois, on tombe sur de bons pédagogues et parfois c’est plus laborieux. Le cheminement aura un impact sur la musique mais ce sera toujours intéressant. »

Cours d’éducation morale et civique

L’an dernier, la Red Bull Music Academy se déroulait à Tokyo. DJ Krush y avait donné un concert exceptionnel mais avait refusé de participer à une lecture, ne voyant pas ce qu’il pourrait apporter aux jeunes musiciens : « C’est presque trop facile pour eux, rigole DJ Krush. Moi, quand j’ai débuté, j’étais ouvrier sur les chantiers pour gagner ma vie. La musique électronique et le hip-hop n’existaient pas au Japon. Je n’ai aucun conseil à donner parce que je continue d’apprendre de la musique. Devenir musicien réclame d’avoir en soi quelque chose d’unique qui ne s’explique pas. »

Torsten Schmidt, cofondateur de la RBMA, croit le contraire. Il mène souvent lui-même les entretiens lors des lectures. « Ces entretiens permettent de découvrir les carrières d’artistes, leurs échecs et leurs succès, leur cheminement artistique et leurs influences, tout ça remis dans un contexte historique. Et ça enrichit évidemment la réflexion de jeunes artistes. Mais surtout, on met en avant des éthiques artistiques, c’est un pilier de la RBMA. » Le gourou de la RBMA justifie ainsi le mode de sélection à son académie pour laquelle plus de 6000 candidats se présentent chaque année : « Si vous avez énormément de talent, vous n’avez fait que la moitié du chemin avant d’être invité à la RBMA. Nous cherchons des artistes avec de grosses qualités humaines, des gens intelligents et ouverts. »

Esprit de corps

Lafawndah, ancienne élève de la RBMA promotion Tokyo, confirme que l’expérience « vaut au moins autant pour les relations humaines que pour le travail technique musical », alors même que Red Bull se vante de tisser un réseau international de musiciens exigeants et influents grâce à son académie itinérante.

Entre deux lectures, où leur présence est obligatoire « par respect pour les invités » explique Torsten Schmidt, les jeunes musiciens sont surtout invités à exercer leurs talents dans les salles et les nombreux studios professionnels mis à leur disposition pendant deux semaines. « Mais on ne leur apprend pas à faire de la musique, on les aide juste à comprendre qu’ils ont leur place dans le monde de la musique. »