Surprise de la rentrée littéraire: Nickolas Butler avec «Retour à Little Wing»
LES INATTENDUS DE LA RENTREE (5/5) Cinquième de notre série sur les auteurs inattendus de la rentrée, l’Américain Nickolas Butler séduit avec un premier roman choral sur l'amitié et le Midwest. «20 Minutes» l’a rencontré…
Nickolas Butler ne «comprend toujours pas», ce qu’il fait là, à Paris, pour la présentation de son premier roman. «J’ai étudié avec des gens pour la plupart beaucoup plus brillants que moi... Pourquoi moi?». Shotgun Lovesongs, son premier roman rebaptisé ici Retour à Little Wing, est paru en mars aux Etats-Unis. Depuis: des critiques élogieuses, une traduction en cours dans dix pays, et des droits cinéma vendus à la Fox. En France, les libraires font passer le mot, le Festival America lui a remis le prix Page, et les éditions Autrement, qui ont orné le livre d’un bandeau «"Un livre magnifique", Olivier Adam» se félicitent d’en être au troisième tirage depuis la parution le 20 août.
De Burger King à Little Wing
Butler nous emmène à Little Wing, une petite ville agricole au cœur du Wisconsin. Hank, Lee, Kip et Ronny y ont grandi, inséparables avant que l’âge adulte les disperse. Dix ans plus tard, le mariage de l’un d’eux les réunit. Kip, l’ex-trader arrogant qui a fait fortune à Chicago et revient au bercail avec l'idée de transformer la vieille fabrique désaffectée en restaurant. Hank, le fermier qui n’est jamais parti, et s’est marié à Beth, son amour de jeunesse. Ronny, un ex-champion de rodéo aux rêves brisés par un accident. Et Lee, dit «Corvus», une rock star -inspirée de Justin Vernon, le chanteur de Bon Iver avec lequel Butler était au lycée- qui parcourt le monde mais revient puiser son énergie au milieu des champs de maïs: «Quand je n’avais nulle part d’autre où aller, je revenais ici. (…) Il n’y avait rien où dépenser de l’argent, personne à impressionner».
Cette Amérique-là est celle de Nickolas Butler. «C’est de là d’où je viens, c’est mon monde. La plus grande ville dans laquelle j’ai vécu, c’est Eau Claire, Wisconsin, 65.000 habitants». A 34 ans, il vit aujourd’hui près d’une bourgade d’une centaine d’habitants, avec sa femme et ses deux enfants, à l’image de son personnage Hank. Après des études à l’Université du Wisconsin, il n’a «jamais trouvé ça facile d’avoir un bon job». Il enchaîne «des boulots bizarres»: employé d’abattoir, agent d’entretien chez Burger King, vendeur de hot-dogs, démarcheur téléphonique, agent de sécurité pour des auteurs en tournée, torréfacteur pendant trois ans. «Ça, c’était sans doute mon job préféré».
Le mal du pays
Il a «toujours écrit de la poésie» mais décide il y a quelques années de s'y remettre, plus sérieusement. Il est accepté à l’Atelier des écrivains de l’Iowa, entame l'écriture de son roman, qui lui prendra trois ans. «En Iowa, j’avais le mal du pays. Le Wisconsin me manquait. C’est comme ça qu’est né le premier chapitre», écrit avec la voix de Hank. Ensuite, c’est Lee, Beth, puis tous les personnages que l’on entend à tour de rôle, dans une construction chorale habile, qui dit dans une langue simple, avec tendresse et empathie, les amitiés qui résistent à l’épreuve du temps, les rivalités, les désillusions, et l’attachement à la terre, les liens inébranlables d’une communauté.
Après plus d’un an sur les routes américaines, Nickolas Butler est en France, avant Londres, puis les Pays-Bas. Au fil de ses rencontres, il constate que «quelqu’un du Kentucky ou du Texas peut retrouver sa ville dans Little Wing. Ce sera peut-être le cas en France». La veille de la parution, à l’hiver dernier, il ne savait pas si «le livre lui rapporterait 5.000 ou 500.000 dollars». A l’américaine. Pas de pudeur sur l’argent. Mais l’écrivain continue à vivre dans son Little Wing à lui, «très détaché, très distant du monde littéraire. Mes voisins se foutent éperdument de savoir ce que je fais dans la vie. Ça me permet de prendre mon temps pour la suite. Certains l’ont lu, mais on ne parle pas de ça, oh non. On parle du temps qu’il fait. Des trucs de voisins».
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Retour à Little Wing, paru le 20 août aux éditions Autrement, 22 euros.