Frédéric Mitterrand: «Je n'ai pas fait tellement de gaffes»

Joel Metreau
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Frédéric Mitterrand, le 3 octobre 2013, à Paris.
Frédéric Mitterrand, le 3 octobre 2013, à Paris. — GINIES/SIPA

Frédéric Mitterrand a été ministre de la Culture de juin 2009 à mai 2012. Dans La Récréation (Robert Laffont, 24 euros), il raconte, jour par jour, son mandat, avec la liberté de ton qui le caractérise.

Première partie sur l’exercice du pouvoir.

La seconde partie de l’interview sur ses rapports avec les politiques est à lire ici.

On a l’impression que vous avez été ministre rien que pour écrire ce livre…

J’ai gardé toutes mes petites fiches, je ne l’ai pas écrit au jour le jour. Je me suis rendu compte que je me souvenais de tout. Ça m’a pris environ un an.

Dans ce livre, il y a une vraie liberté de ton. Vous n’allez pas vous faire que des amis…

Je vais me faire quelques ennemis, mais pas beaucoup, il n’y a pas de règlement de compte. Je ne suis pas rancunier. En revanche, s’ils m’en veulent, ce n’est pas grave, ce n’est pas des gens qui se sont bien comportés.

Pourquoi avoir eu envie de l’écrire?

J’ai toujours envie de raconter ce que je fais. Beaucoup de politiques font des livres programme pour dire qu’ils veulent revenir au pouvoir. Moi ce n’est pas le cas, c’est plutôt «Au revoir messieurs dames». Je ne dévalue pas la fonction de ministre, au contraire. Mais c’est fini.

Dés le début, vous évoquez la bourde que vous avez faite en annonçant vous-mêmes votre nomination… 

Au fond, je n’ai pas fait tellement de gaffes. Sauf que je ne gérais pas bien la communication des bourdes. Je m’en fichais. Mais quand vous êtes ministre de la Culture, vous êtes observé tout le temps par tout le monde. Donc ça prenait des proportions. On disait «ministre gaffeur», mais j’en ai pas fait beaucoup. Je ne suis pas non plus naïf, plutôt innocent. Je me reproche des choses beaucoup plus importantes, comme de ne pas avoir réussi à réformer fondamentalement le ministère de la Culture et la manière dont la culture est encadrée en France. Mais pour cela, il aurait fallu avoir beaucoup plus de temps et avoir un mandat plus clair du Président de la république.

Vous estimez que votre mandat n’était pas clair?

Le Président me laissait beaucoup plus libre qu’on ne l’a dit, mais il n’était pas prêt à supporter une nouvelle affaire des intermittents. Il avait d’autres problèmes à résoudre et ne voulait pas en avoir avec la culture. Je ne pouvais donc pas faire des réformes comme celle complète de la carte des théâtres ou la réforme du fonctionnement interne du ministère.

Au début de votre mandat, Marine Le Pen se sert de votre ouvrage La mauvaise vie pour vous déstabiliser

J’ai été soutenu par Nicolas Sarkozy et François Fillon. Ils ont été très bien parce qu’ils auraient pu me lâcher. J’étais en danger, mais je ne voulais pas céder. Car c’était injuste. C’est très bizarre le milieu de la politique, parce qu’en même temps, il y a le respect pour ceux qui résistent. Après l’affaire Le Pen, j’ai été affaibli. Vis-à-vis des médias, c’est quand même dur. Et j’ai été renforcé vis-à-vis du milieu politique. Ils ont tous eu un jour ou l’autre un problème. Ils jugent leurs collègues sur la manière dont ils ont traversé les problèmes. C’est une sorte de bizutage carabiné, rien de plus. Après, je suis devenu plus prudent.

Vous écrivez qu’Hadopi fut votre «fardeau». Pourquoi?

Il fallait tout le temps convaincre des gens qui avaient des idées préconçues. De toute façon, avec Hadopi, le CSA va faire la même chose, ils vont continuer à envoyer un mail d’avertissement aux gens qui trichent. Quant à Hadopi répressif, c’est une farce. Personne n’a eu son accès à Internet coupé. Aux Etats-Unis, on arrive avec des mitraillettes et on vous met au trou, c’est quand même autre chose. Hadopi, une expérience amère.

La carte musique, ça n’a pas été une réussite…

Dès le début, je pensais que c’était une connerie.  C’était Sarkozy qui voulait ça.

Dans La Récréation, il est aussi beaucoup question de votre famille, de votre mère et de vos fils.

Quand on est ministre, on n’a plus de vie sociale. On ne voit que ses proches, sa famille et deux ou trois amis, comme Emmanuel Philibert de Savoie.

Dans le livre, vous parlez aussi de la drague…

Oh très peu… Mais comme on est totalement chaste… je m’auto-disciplinais constamment. Je ne voulais pas que mes officiers soient confrontés à ce genre de choses.

C’est quand même surprenant…

Ça n’est pas un livre sur la politique, mais sur l’expérience humaine. Ça pourrait se passer chez les conducteurs de locomotive ou les caissières de grand magasin. C’est un peu comme le livre de Florence Aubenas lorsqu’elle a vécu avec les femmes de ménage. Donc je parle de moi.

Et sans détour de la vie gay?

Mais comment voulez-vous qu’on en parle ? On a un peu progressé non ? Il y a eu le mariage gay aussi. Comme si ce n’était pas un élément de ma personnalité! Cela dit, je suis assez pudique sur les détails. De toute façon il ne s’est rien passé. C’est vrai qu’il y a un gendarme à l’Elysée qui est très beau, je ne vais m’empêcher de fantasmer sur lui.

Le mariage gay justement…

Je m’en foutais du mariage gay, parce que je me fous du mariage. Jusqu’à ce que je lise une tribune de Zapatero dans Le Monde. Et quand j’ai vu l’opposition au mariage gay, j’étais à fond pour. Qu’il y ait eu tant de monde… mais c’est comme toujours en politique les gens disent autre chose que ce qu’ils disent, mais ils ne le savent pas. Là, c’était de la rancœur contre les socialistes. Voilà, c’est fini, plus personne n’en parlera dans un an. Et il ya beaucoup de dirigeants de droite qui ne reviendront jamais dessus… Juppé, Fillon… Personne en fait. En plus, Taubira était très bien.

Votre retour dans les médias, sur France Inter depuis début septembre se passe bien?

Je suis très content. On m’a beaucoup demandé de venir bouffonner à la télévision, ce que je n’avais pas envie de faire, car j’ai tendance à le faire. Je me connais.