Miss.Tic: «Je ne suis pas là pour dire: "On n’est pas toutes des poufiasses"»

Annabelle Laurent
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 Miss Tic à la galerie W, à Paris, jeudi 26 Septembre 2013. 
 Miss Tic à la galerie W, à Paris, jeudi 26 Septembre 2013.  — Vincent Wartner

«Amour, gloire et Botox», «Le corps au régime ment», côté femmes. «Don d’orgasme», «Se taper un canon sans devenir un boulet», côté hommes. Depuis jeudi dernier et jusqu’au 20 octobre, à Montmartre, la galerie W s’est transformée en kiosque. Aux murs, des Unes des magazines Elle, Jalouse, Be, Glamour, Têtu, GQ, Men’s Health. Tous ont la même rédactrice en chef: l’artiste plasticienne Miss.Tic, qui s’est amusée à en revoir la ligne éditoriale, l’illustration, les slogans. Tout, en fait, sauf le titre.

«Un constat, pas une critique sociopolitique» 

Depuis près de trente ans (1985), ses pochoirs des femmes font parler les rues de Paris. Des femmes séductrices et sexy, inspirées des images matraquées par les publicités, la mode, la presse féminine. Cette fois, l’inspiration est frontale. L’idée lui est venue «n’importe comment, comme toujours en création, lance l’artiste de 57 ans. En voyant un agrandissement d’une Une au dos d’un kiosque. C’était directement le format d’un beau tableau!»

Ses slogans – qu’elle «travaille beaucoup», car «ça me vient pas dans un café, en écoutant la bonne vanne de mon voisin»– sont piquants, bourrés de jeux de mots, provocants. «Etre l’objet du désir, pas sa chose.» On voudrait y lire un message. «Je l’ai pris comme une fantaisie, avec amusement, en sachant que je suis aussi lectrice de cette presse, affirme Miss.Tic. Je suis dans un constat, pas dans une critique sociopolitique, consumériste, pas du tout. Je ne suis pas là pour dire "On n’est pas toutes des poufiasses!"» Vraiment? Elle lance dans un rire: «Après s’ajoute à ça mon esprit!»

«Les gens ont peur. Et si ça ne plaît pas au boucher d’en face?»

S’il y a un message à retenir, il est ailleurs, glisse-t-elle: «Avec ce travail, je tire la presse féminine vers l’art plastique. Les médias parlent si peu de peinture. Certainement à cause des annonceurs.» Miss.Tic s’estime chanceuse: «On parle de moi parce que c’est spectaculaire, dans la rue.» Justement, la galerie a-t-elle remplacé la rue? «Ce travail est très graphique, c’est fait pour la galerie. Je fais aussi des commandes. Mais les pochoirs dans la rue, je continue.» Mais avec autorisation, depuis qu’elle a été condamnée, en 1999, à verser près de 4.000 euros d’amende (22.000 francs) à un propriétaire.

Elle demande aux commerçants de lui prêter un bout de mur. Sept fois sur dix, ça ne marche pas, estime Miss.Tic. «Les gens ont peur. Et si ça ne plaît pas au boucher d’en face? Ils aiment, mais chez les autres.» Mais parce qu’elle «aime que les gens voient le pochoir à un moment où ils ne l’attendent pas, où ils ont des humeurs», elle continue. «Pour moi, il n’y a pas que les mots qui sont poétiques. La rencontre est poétique.»