Karine Saporta: «En danse, le genre est une notion fluide»
Où sont les femmes? Ce n’est pas Patrick Juvet qui le demande, mais Karine Saporta. A l’initiative du festival du Na qui se tient du 14 au 20 septembre à Fontenay-sous-Bois, la chorégraphe a décidé de lancer le débat sur la «disparition progressive des femmes» dans la création en danse contemporaine. Au programme: 17 séances sur six jours, débutant à chaque fois par une performance, un «flash de cinq minutes en forme de clin d’oeil», avec deux danseurs. Un film sur des œuvres de référence est ensuite projeté, avant de laisser place à un débat avec des chorégraphes, des chercheurs, des philosophes sur le genre et la place des femmes sur la scène chorégraphique aujourd'hui.
«Quand j’ai évoqué ce projet de festival, les yeux de mes interlocuteurs se sont mis à briller», raconte celle dont la danse déliée, toute en robes élégantes et en cheveux longs, a marqué la scène chorégraphique à la fin des années 1980. Après cette génération qui a fait évoluer Karine Saporta, Maguy Marin, Anne Teresa de Keersmaeker, Mathilde Monnier ou Régine Chopinot sur les pas de Martha Graham ou Pina Bausch, la place des femmes en danse contemporaine s'est «considérablement réduite», estime Karine Saporta. «Comme si une pièce était plus dérangeante, ou perturbante, quand elle est signée d’une femme», regrette-t-elle.
Des conditions de précarité totale
«Citez-moi le nom d’une seule nouvelle artiste apparue au cours de ces dix dernières années, poursuit malicieusement la chorégraphe. Elles existent, mais dans des conditions de précarité totale. Et à la direction des centres chorégraphiques, les femmes sont progressivement remplacées par des hommes», à l’instar de Carolyn Carlson, récemment remplacée par Olivier Dubois au CCN de Roubaix.
Le public le perçoit d’autant moins que sur scène, la notion de genre importe moins en danse contemporaine qu’en classique ou au théâtre. «La ligne de démarcation entre masculin et féminin est assez fluide…» concède Karine Saporta. Veut-elle dire «floue»? «Non, car fluide est un terme positif...» Le débat initié par le Festival du Na se poursuivra ensuite tout au long de la saison, en différents lieux, du Théâtre national de Chaillot à la BNF.
Film: PAROLES DE DANSES - Karine SAPORTA par INJAM-PRODUCTION