iceberg, la partie émergente
Faute d'acier, le redressement productif français pourrait passer par le rock. Les Rencontres Trans Musicales de Rennes, qui se tiennent jusqu'à dimanche, montrent l'exemple et consomment français. Pour la première fois, plus d'un groupe sur deux sera originaire de nos belles provinces. A commencer par les Crane Angels. Fort de ses neuf membres (au dernier décompte, la géométrie angélique étant fluctuante, voire éthérée), le groupe bordelais sera à Rennes et est emblématique de la façon dont les jeunes groupes français se développent depuis quelques années. Enfants de la crise perpétuelle, à qui les conseillères d'orientation ont répété en boucle que « la filière artistique, c'est bouché », ils ont pris leurs destins artistiques en main.
En haut de sa propre affiche
« On se retrouvait tous à l'Inca, un bar où on pouvait donner de petits concerts, raconte Mickaël, membre fondateur des Crane Angels. On s'est dit : “On s'aime bien, on va jouer ensemble.” On a monté pas mal de groupes, c'était des essais, on tournait d'un groupe à l'autre. Au début, Crane Angels, c'était le projet récréatif, pour se défouler. » Finalement, cette formule chorale rock est celle qui, il y a quelques semaines, a décroché le Fair (voir encadré), prestigieux dispositif d'aide à la création. Mais Crane Angels compte des membres qui jouent dans d'autres groupes de haute qualité : le garage rock de JC Satàn, la pop magique de Botibol, la chanson électro de Petit Fantôme… Sans maison de disques par choix, sans concession non plus, ces groupes ont longtemps tout fait tout seuls. « Ce n'est pas facile, mais on n'a rien envie de faire d'autre », explique Sylvain, des Crane Angels et de Nunna Daul Isunyi. Difficile de dire si le règne de la débrouille a fertilisé leur créativité ou s'ils ont réussi à se débrouiller parce qu'ils étaient créatifs. « Quand t'organises toi-même ta soirée, tu peux y jouer plus facilement, poursuit Sylvain. On mettait nos potes sur les affiches. Comme ça, ils étaient obligés de venir jouer aussi. » De là est né le collectif Iceberg, rassemblement sans ligne directrice artistique, mais avec « un même rapport à la musique et à l'amitié ». Une trentaine de musiciens, des graphistes, des dessinateurs… Iceberg est une famille : on s'y entraide, on s'y engueule, mais on sait qu'on peut compter les uns sur les autres. Quand un Crane Angels manque à l'appel pour un concert, un autre Iceberg prend sa place.
De glace et de Fair
Le collectif a pris une tout autre ampleur quand Fred, un jeune manager bordelais, s'est penché sur leur cas. « Il nous a dit : “Vous méritez de sortir de là”, se rappelle Mickaël. On s'est tous moqués de lui quand il a inscrit les Crane Angels au prix Chorus. On avait des préjugés à la con, on pensait faire une musique trop pointue. Et paf, on a gagné. » C'est Fred, encore lui, qui les a d'ailleurs tous inscrits au Fair (Botibol est passé à un cheveu, savons-nous de source sûre) et qui a soufflé leur nom aux programmateurs des Trans Musicales. Suprême consécration pour le collectif, c'est tout Iceberg qui y a été invité à une création pour quatre soirs. « On a conçu Licornia, une sorte de conte musical, raconte Mickaël. C'est l'occasion de montrer le plus de groupes possible. Parce qu'ils sont tous uniques. »
bordeaux poussele bouchon
Après Reims en 2012, Bordeaux compte trois groupes au Fair 2013 : Crane Angels, Pendentifet Odezenne. Anciens lauréats, les Reimois de The Shoesont d'ailleurs appliqué à leur ville la méthode collaborative qu'ils avaient observé, chez les rockeurs bordelais. « Ici, les gens se croisent beaucoup, on se connaît tous », confirme Mickaël, des Crane Angels, qui a déjà joué avec des membres de Pendentifet rappé avec les Odezenne…