Sylvia Kristel et «Emmanuelle», icônes de la révolution sexuelle
CINEMA Sylvia Kristel restera pour beaucoup Emmanuelle, notamment parce que le film, un succès adapté d'un roman érotique, a incarné la révolution sexuelle...
Comme Mark Hamill à Luke Skywalker ou Michèle Mercier à Angélique, Sylvia Kristel, décédée jeudi à 60 ans d’un cancer, restera à jamais associée à l’un de ses rôles au cinéma. Celui d’Emmanuelle, une femme aisée qui cherche à tromper son ennui dans le film éponyme de 1974 et les suites qui en découlèrent sur grand et petit écran.
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«Emmanuelle est un film relativement médiocre, mais il a été un succès fabuleux [9 millions de spectateurs en France], note Jacques Zimmer, auteur d’Histoires du cinéma X (Nouveau Monde éditions). Ce long-métrage a permis au cinéma érotique de devenir populaire et a aussi ouvert la voie au porno.»
Un roman interdit de publicité
A l’origine, Emmanuelle se feuillette. Il s’agit d’un roman sulfureux de 1959, signé par Emmanuelle Arsan et édité par la maison d’édition Eric Losfeld, spécialisée dans les ouvrages érotiques. Interdit à l’affichage dans les librairies, interdit jusque dans les rayons, mais pas à la vente sous le comptoir, «ce livre très anodin, est devenu, dans les années 1960, un étendard de la liberté sexuelle, un peu comme 50 nuances de Grey aujourd’hui, remarque Gérard Lenne, auteur d’Erotisme et cinéma (La Musardine). C’est ainsi que, de temps en temps, une œuvre littéraire ou de cinéma devient symbolique. Là, c’était la démocratisation de la «révolution sexuelle» qui s’est développée dans les années 1968 et après. Son reflet dans l’opinion publique, ça a été le film Emmanuelle.»
D'abord censuré en France
Adaptation édulcorée du roman au cinéma, Emmanuelle, réalisé par Just Jaeckin, voit le rôle-titre confié à une jeune actrice débutante, la Néerlandaise Sylvia Kristel. C’est un enchaînement de scènes soft (hormis celle de la cigarette consumée par un autre orifice que la bouche), de nudité et de caresses, qui vaut toutefois au film d’être «d’abord censuré pendant quelques mois en France, explique Gérard Lenne. Finalement, l’élection de Valéry Giscard d’Estaing, qui voulait avoir l’air plus moderne par rapport à Pompidou, change la donne. Le film sort en juin 1974.»
«L'émancipation des femmes»
Après le film, Sylvia Kristel tournera notamment avec les Français Roger Vadim, Jean-Pierre Mocky et Claude Chabrol. Mais elle restera pour beaucoup une femme évanescente de papier glacé. Mais pas pour autant une femme passive… La liberté de son personnage, qui passe d’un partenaire à l’autre, le fait qu’elle couche parfois avec d’autres filles, «a beaucoup fait pour l’émancipation des femmes, analyse Jacques Zimmer. Par certaines féministes, elle était mal vue pour sa futilité. Mais son personnage a permis de considérer que la femme pouvait manifester une liberté totalement assumée dans sa sexualité.»
Un des derniers rôles de Sylvia Kristel
Arte programme vendredi soir, à 20h50, l’un des derniers films dans lequel Sylvia Kristel a joué. Les demoiselles du swing raconte l’histoire vraie du Trio Lescano. Ces trois sœurs chanteuses ont connu une belle popularité en Italie dans les années 1930 avant d’être menacées par les lois antijuives. L’actrice néerlandaise interprète leur mère, Eva de Leeuw.